A l’heure où la sortie en vidéo de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu permet aux résistant de dégainer les bazookas sur l’état rance de la comédie française, Les Combattants semble se poser comme une alternative honnête.

Soit un scénario plutôt original, fondé sur des personnages bien trempés, offrant des situations à la fois crédibles et barrées. Adèle Haenel, qu’on voit émerger depuis L’Apollonide et Suzanne, se voit offrir un rôle à sa mesure. Intense, dure, elle incarne avec conviction ce parcours d’une jeune fille qui, préparée à la fin du monde, va progressivement accepter l’idée d’un commencement. Face à elle, son comparse s’en sort avec les honneurs, parvenant à exister à son ombre, et à la guider malgré elle vers des lendemains meilleurs.

Sur son registre comique, Les Combattants est efficace : que ce soit dans les portraits de la bande de potes un peu désœuvrés du début, de la découverte de la martienne qu’est Madeleine, ou surtout de leurs débuts à l’armée. Sans jamais s’enliser dans une charge trop lourde contre le système, Thomas Cailley parvient à croquer les radicalismes de la protagonistes tout comme la mauvaise foi des instructeurs, notamment dans l’exercice de la grenade, particulièrement drôle. Face à eux, Arnaud tente le double jeu impossible de l’insertion : au corps de l’armée, à celui de Madeleine.

Si cette position instable de follower insipide fait un temps son charme, la nécessaire évolution du scénario n’est pas forcément la mieux trouvée. Alors qu’il pétillait dans la peinture d’un quotidien attendrissant, les éléments perturbateurs (la fuite, le renard, l’incendie) semblent procéder par paliers de surenchère alors que, paradoxalement, l’intensité des débuts s’estompe. Puisque le film accepte de jouer le suspens et l’absence de retour à la normalité, on se serait peut-être contentés de ces prises de vues décrochées d’une robinsonnade amoureuse, gorgées de soleil et au rythme des flots calmes d’une rivière. L’épreuve du réel n’avait pas réellement besoin de cette fausse piste apocalyptique, sorte de Take Shelter du pauvre (notamment desservie par des effets numériques eux aussi apocalyptiques…) sans grande efficacité, et occasionnant un épilogue qui ne sait pas trop comment retrouver la vigueur des débuts.

Il n’empêche. Thomas Cailley est un auteur à suivre, et à la suite de P’tit Quinquin, c’est véritablement un bonheur que de rire devant une production française en 2014.
Sergent_Pepper
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le 29 sept. 2014

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Sergent_Pepper

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