C’est souvent délicat de revoir, des années après, un film qu’on avait aimé, parce qu’on reste avec ce souvenir attendri et que de le revoir peut provoquer une déception, du fait du décalage entre la réminiscence et la réalité présente. On peut aussi être déçu parce que le film a vieilli, ou plutôt parce que nous même avons vieilli et n’avons plus cet œil neuf de notre folle jeunesse.
J’avais déjà vu ces Contes de la lune vague après la pluie (quel magnifique titre !) quand j’avais 16 ans, grâce à mon prof de français de première, grand amateur de poésie et de cinéma, et même si je ne m’en souvenais plus, je me rappelais juste la superbe scène du lac et que j’avais bien aimé, à l’époque.
J’imagine que mon prof nous avait expliqué les parties énigmatiques du récit, parce que ce n’est pas toujours évident de comprendre ce qu’on voit à l’écran.
En le revoyant, je me suis trouvé fort marri devant cet Objet Filmique Non Identifié et pour tout dire, je ne l’ai pas du tout kiffé sa race cette fois-ci.
Or donc, au XVIéme siècle, au Japon, deux hommes de la campagne décident d’aller vendre des poteries en ville pour s’enrichir. L’un, Tobei, puéril et imbécile, dominé par sa femme, rêve de devenir samouraï et ainsi gagner un peu de prestige auprès de celle-ci. L’autre, Genjiro, plus raisonnable et malin, attentionné envers son épouse et son jeune fils, mais néanmoins obsédé par ses poteries au point de risquer sa vie pour elles, rêve de faire fortune grâce à son artisanat et d’être même considéré comme un véritable artiste. Bien que tous deux aiment leur femme, ils ne vont pas hésiter à les laisser seules en temps de guerre, au risque de les perdre.
Plastiquement, le film est beau, avec un Noir & Blanc bien contrasté, des compositions de cadres savamment agencées, des travellings latéraux éloquents, une volonté de filmer le visible et l’invisible louable, une dénonciation des ambitions égoïstes des hommes et des répercutions qu’en subissent les femmes bien venue, mais de ma part, un manque d’empathie pour les personnages et un manque d’intérêt pour leurs problèmes ont fait que finalement cette histoire m’a laissé perplexe. Du coup, ce film m’est apparu comme beau, mais chiant.
Alors, je sais bien qu’il est considéré comme un chef d’œuvre, mais les parties fantastiques notamment (la jeune princesse maléfique et le fantôme de Miyagi, la femme de Genjiro, à la fin), m’ont dérouté et le jeu des acteurs (outré comme dans les pires muets) m’ont gêné au point que j’ai eu du mal à me sentir concerné.
Je me doute bien que mes éclaireurs éclairés vont désormais me considérer comme un vulgaire lourdaud, incapable d'apprécier la finesse de l'art subtil de Kenji Mizoguchi, mais tant pis, on ne m'enlèvera pas ma liberté de penser, comme le chantait le célèbre exilé fiscal Johnny Pagny de la Pampa (on a les références qu'on mérite, j'en ai bien conscience ;-).