Je me suis plongée dedans tout entière, avec une curiosité et un plaisir comblés. L'extrême précision du cinéaste, son souci aigu du détail réaliste, sa force expressive dans la découpe du moindre le plan, les significations multiples de ses raccords accueillent le mystère et le fantastique comme des évidences qui, aussi troublantes soient-elles, imposent leur évidence.
Ce conte moraliste et initiatique évoque les tours et détours de deux paysans du XVIe siècle, entêtés, en pleine guerre, à poursuivre égoïstement leurs rêves. Laissant femmes et enfant derrière eux, ils s'égarent dans leur obstination et leur aveuglement, avant de retrouver la misère, le délabrement, la perte et le chagrin dans leur village.
Le magnifique noir et blanc, d'un scintillement miroitant, culmine dans la scène nocturne du départ en barque sur le lac... Au cœur de l'étrange, c'est une femme qui conduit la frêle embarcation, guide dans les méandres de l'inconscient. Part ténébreuse de l'homme qui omet d'en considérer la présence et la force, souvent malmenée par une société qui l'exploite ou la nie, elle est aussi la gardienne des mystères et le souffle qui redonne espoir et vie.