Tony Richardson est avec Karl Reisz, Lindsay Anderson et John Schlesinger un des animateurs du Free Cinema anglais quelquefois présenté comme le précurseur de la Nouvelle Vague. Le Free cinema ne peut être détaché du mouvement littéraire des Angry Young Men dont plusieurs des œuvres ont été adaptées par les réalisateurs du Free Cinema. « Les corps sauvages » tirée de la pièce « La paix du dimanche » de John Osborne se trouve donc à l’origine des deux mouvements. En 1961 les Beatles ne sont pas encore arrivés pour oxygéner un peu la société anglaise dont la jeunesse étouffe sous les convenances. Avant le raz de marée de la Beatlemania ce sont « les jeunes hommes en colère » qui vont exprimer leur soif de liberté en se rebellant violemment contre les institutions sans toutefois se fédérer en mouvement dans une volonté de transformation sociale. C’est une souffrance difficilement exprimable autrement que par la violence qui s'abat littéralement sur l’entourage proche de Jimmy Porter (Richard Burton) jeune homme brillant, volontairement déclassé socialement (il est marchand de bonbons) mais frappé de plein fouet du syndrome. Son nihilisme sans limite trouve son expression dans les brimades qu’il fait subir à sa jeune épouse Alison (Mary Ure) issue d’une famille bourgeoise qui illustre à ses yeux concrètement tout ce qu’il rejette. Quand Helena (Claire Bloom) l’amie d’Alison rejoint l’appartement le temps d’un court séjour, la tension monte d’un cran suite au début de rébellion généré par l’association provisoire des deux jeunes femmes. Ce n’est pas la grossesse d’Alison, expression même du conformisme bourgeois qui veut que l’on se reproduise pour que rien ne change qui pourra calmer la colère de so, époux. C’est une colère sans réel objet dont souffre Jimmy joué par un Richard Burton encore juvénile et complètement habité et c’est sans doute cette difficulté à matérialiser une cible à son ressentiment qui le fait souffrir le plus. Cette souffrance quoique horripilante à certains égards, Jimmy au charme animal arrive à la faire accepter par Alison puis par Helena qui deviendra sa maîtresse. L’arrivée du père d’Alison venant chercher sa fille enceinte nous fait clairement comprendre qu’il va bien falloir que quelque chose change pour cette jeunesse qui a l’impression depuis trop longtemps que tout a déjà été écrit pour elle. Le cri du cœur de ce jeune énervé peut nous paraître un peu déplacé dans le contexte permissif actuel mais il prend toute sa signification dans l’Angleterre corsetée de l’Après-Guerre. D’où le retentissement du free cinema qu’il est impossible de détacher de son époque pour l’apprécier pleinement. Ne boudons pas non plus notre plaisir de voir deux charmantes actrices , Claire Bloom et Mary Ure se débattre avec un jeune lion fougueux joué par un Richard Burton d’avant Elizabeth Taylor.