Si les cartes à collectionner Les Crados ont fait leur apparition en France à la fin des années 80 sous forme de stickers, le film en revanche est quant à lui resté totalement inédit chez nous y compris en vidéo. Ces autocollants regroupant des poupons aux têtes disproportionnées parodiant les Papoufs de Mattel avec des noms en forme de calembours à faire se suicider une blague carambar avaient la particularité de faire marrer les gosses et s'offusquer leurs parents en jouant sur un aspect ouvertement pipi, caca, vomi, crotte de nez, prout et pustules. Ce bon commandant Cousteau militera même à l'époque pour l'interdiction pur et simple de ses figures bien trop trash pour nos chères petites têtes blondes qui feront scandale jusque dans les pages de Madame Figaro ou National Hebdo. On imagine la portée d'un tel scandale aujourd'hui à l'heure des réseaux sociaux accusateurs et si les éditions françaises avaient conservées les allusions sexuelles de certaines cartes américaines. Quant au film distribué par la MGM, il sortira donc aux USA en août 1987 sous un déluge de critiques négatives qui fustigeaient la nullité et la vulgarité du film en faisant de lui l'un des pire film de l'histoire du cinéma (encore un). Alors oui, Les Crados est un très mauvais film mais bien caché tout au fond de la poubelle sur un papier sans doute bien trop gras pour être lisible le film a aussi un semblant de fond qui le rendrait presque attachant.
Les Crados (The garbage Pail Kids Movie) nous raconte l'histoire de Dodger, un adolescent harcelé par une bande de jeune dans laquelle se trouve une jeune fille dont il est très amoureux. Afin d’essayer de la séduire la belle qui rêve de devenir styliste, Dodger va confectionner des vêtements avec l'aide d'extra terrestres sortis de la poubelle de la boutique d’antiquités dans laquelle il travaille,
Si dans un premier temps sous l'impulsion de John Carl Buechler (Vendredi 13 chapitre 7) le projet était orienté vers l'horreur avec une histoire de poupées mutantes tueuses et radioactives, le film sera assez vite abandonné au profit d'une comédie adolescente teinté de science fiction. Les Crados sont donc devenus des extra terrestres maladroits qui voyagent dans une poubelle métallique et qui se retrouvent sans trop que l'on sache pourquoi prisonnier dans une boutique d'antiquité. On a le sentiment que les scénaristes Linda Palmer et Rod Amateau s'inspirent tout de même un peu (trop) du Gremlins de Joe Dante avec des créatures surnaturelles enfermés dans une boîte gardée par un vieil antiquaire fantasque et qui iront plus tard foutre le souk durant une séance de cinéma. Le film semble donc s'adresser à un public jeune et familiale tout en restant un objet vague et assez mal défini. En effet les plus jeunes pourront être effrayés par les tronches inquiétantes des crados, les adultes seront souvent consternés par la bêtise de l'humour et pas sûr non plus que la génération adolescente des années 80 biberonnée aux films de Spielberg , Zemeckis, Dante et Cie y trouve son compte. Les Crados commence par un générique plutôt sympathique présentant les acteurs sous la forme des célèbres cartes à collectionner sur fond de space opéra à base de poubelle dérivant dans le cosmos. Pour ce qui est du film lui même il ressemble tout de même à un immense gâchis plus particulièrement pour les fans des cartes à collectionner. Le premier soucis majeur du film c'est que les quelques crados présents à l'écran sont loin d'être une réussite visuelle. Avec une gestuelle hystérique de Teletubies, des tronches de Minikeum aussi inexpressives qu'inquiétantes et des allures de nains hydrocéphales sous acides nos aliens aux allures de poupons grotesques sont bien plus flippants que sympathiques. Il convient de signaler que le réalisateur a débuté le tournage avant que les animatroniques des visages soient au point et que du coup ils resteront en l'état . Quant à l'humour du film il carbure comme les cartes à collectionner sur un aspect régressif et scatologique sauf que là tout se retrouve concentré sur quelques personnages seulement qui doivent donc refaire indéfiniment le même gag pour remplir le cahier décharge. Nat The Nerd avec sa tronche boutonneuse et son costume de Superman trop petit se retrouve contraint de se pisser dessus toute les dix minutes, Windy Winston lâche des caisses à tour de bras, Ali Gator cherche à bouffer des orteils durant tout le film, Messy Lessie passe son temps à coller sa morve gluante partout, Foul Phil est un gros poupon qui pue de la gueule et seule Barfin' Barbara (Valérie Vomi) attendra la fin du film pour nous offrir son aptitude à gerber un flot de slime vert fluorescent. Alors oui tout ceci est très lourd et systématique, consternant dans sa répétition et scabreux par certains aspects (deux crados s'enferment pour jouer au docteur) mais le film de Rod Amateau parvient à vaguement capter le côté sale gosse immature des cartes originelles même si globalement le film n'est jamais drôle.
Faut il donc jeter le film dans la même poubelle que celle dont sont sortis Les Crados, et bien je n'irai pas jusque là. Certes le film est mauvais mais lorsque l'on gatte la croûte, que l'on éponge la morve dégoulinante et que l'on écarte en agitant la main les vapeurs verdâtres et nauséabondes d'un pet on découvre que le film véhicule aussi un message sur l'apparence et la monstruosité pas aussi idiot que le film lui même. Les Crados oppose assez nettement une société de l'ombre et crasseuse vivant dans les sous sol alors que d'autres affichent avec fierté toute la superficialité de leur existence. On trouve même dans le film de Rod Amateau la description critique d'une société faisant culte de l'apparence physique et dans laquelle existerait une prison pour entasser les trop gros, les trop maigres, les trop vieux, les trop poilus, les trop chauves, les trop extravertis, les trop petits et les trop crasseux. Je n'irai pas jusqu'à faire offense à l'immense Tod Browning en disant qu'il y-a un peu de Freaks dans Les Crados mais dans le fond le film porte un message pas si éloigné que cela qui se retrouvera entièrement symbolisé par une des dernière réplique du film. Lorsque Dodger comprendra que la belle Tangerine après laquelle il court durant tout le film n'est qu'une manipulatrice superficielle et arriviste il lui lancera un définitif et sentencieux : "Finalement je trouve que tu n'es pas si jolie". Toute cette opposition entre les crasseux au grand cœur et les beaux et les belles pourris de l'intérieur est certes un peu caricatural mais bizarrement très peu de critiques font mention de cet aspect du film qui le rend pourtant un peu plus riche qu'un insipide navet.
Les Crados est incontestablement un mauvais film bien trop répétitif dans son humour régressif et systématique, mais ça reste un film que je n'ai pas trouvé pour autant détestable et antipathique. Pas vraiment nanar, pas tout à fait navet, le film de Rod Amateau navigue dans les eaux troubles de la médiocrité en gardant la tête hors de l'eau de par son message bien senti pur nous dire que la laideur des corps est bien moins détestable que celle des esprits.