Complaisance et manichéisme
En lieu et place, on assiste abasourdis et choqués à une succession de meurtres sordides que le réalisateur ne se résout pas à filmer hors-champ, retombant à chaque fois dans le panneau de la frontalité complaisante et voyeuriste. Face à la progression constante dans l'horreur et l'abjection nauséabondes, le spectateur espère une réaction de Jamie ou l'intervention d'un élément extérieur qui mette un coup d'arrêt à cette débauche de violence. Le réalisateur ne s'intéresse pas à la future enquête et opte de facto pour le filmage de l'activité du serial killer. Un choix qui pose, une fois encore, la question récurrente de la place du spectateur face à un tel dispositif et de la manière avec laquelle filmer le mal puisque c'est bien cette volonté - comprendre le mal - qui est à l'origine du projet de Justin Kurzel et de son scénariste Shaun Grant. Â cette question essentielle, le film n'apporte pas de véritable point de vue, enfermant les personnages dans une caractérisation sans nuance. S'il peut être question effectivement de déterminisme social, soulignons que Animal Kingdom appréhendait la problématique avec davantage de subtilité.
Le problème justement avec le mal, c'est qu'il est inexplicable, sans quoi la conscience de ses origines impliquerait son éradication. Difficile dès lors d'échapper à la mise en scène de ses manifestations (harcèlement, torture physique comme mentale, crimes,...) ou ses conséquences (la ruine psychologique d'une mère dans We Need To Talk About Kevin) mais, pour que cela marche, il faut avoir un sacré talent et proposer une vision qui parvienne à se détacher de l'overdose d'images nauséeuses qui, malheureusement, peuvent très vite s'avérer sans limite. L'ennui avec Les Crimes de Snowtown, c'est qu'on est à la fois au cœur de l'épouvante et en marge des enjeux réels qui poussent des individus cabossés par la vie à accepter, sinon encourager, les pires exactions, comme si le réalisateur peut-être tétanisé par la monstruosité de son sujet échouait à fouiller plus profond dans l'âme dévastée et pourrie de ses personnages. Autrement dit, un thème passionnant mal ou pas du tout traité.