Plusieurs fois, devant ces splendides illustrations, j'ai senti dans mon dos, sur mes bras, sur ma nuque, le frisson. Par vagues. Vagues d'indignation, d'espoir de feu et d'or, de tristesse. La Commune est cette tâche innefable sur notre histoire. Cette ultime trahison qui crée la brèche si profonde entre ce qui fait peuple, et ce qui ne le fait pas. Entre la naïveté d'une Internationale ouvrière fictive ou fantasmée, et une internationale bien réelle : celle des patrons, celle des rentiers, celle de ceux qui ne font rien d'autres que d'exploiter.
La Commune. Espoir si vaste dans un territoire si clos. Versailles, trahison si éclatante pour une république si espérée, si trahie, hier comme aujourd'hui.
Non, le sang des damnés n'est pas encore sec. Il ne peut l'être tout à fait quand, trempée dans lui, habité par lui, un tel documentaire nous est offert. Images fixes pendant 90 minutes. Fixité et pourtant présence permanente de ce mouvement qui conduit ces moblos de la guerre à la défaite, de la défaite au sursaut, du sursaut à l'apathie, et de l'apathie à la Révolution. Fines gravures, oeil luisant, drapeau noir et blanc, où le rouge suinte. Depuis longtemps, il imprègne le sable sous les pavés. Depuis longtemps, il caille dans l'oubli des vainqueurs. Depuis longtemps il est inconvenant, comme une nudité publique. Voir ce rouge sans le voir, c'est peut-être le meilleur point de ce documentaire, et le véritable message de notre siècle. Voir la couleur où elle n'est pas, voir l'espoir où il ne peut être, voir un avenir meilleur dans une époque si sombre. Espérer à l'âge du désespoir.
Elle vit toujours. Merci Arte.