Le documentaire de Raphael MEYSSAN sur l’insurrection de Paris en 1871, s’ouvre avec la parole de Victorine Brocher, ‘Ils nous ont effacés de l’histoire’, ‘de nous que restent t’ils ?’
‘J’ai grandis dans la nuit du second empire, crieuse de journaux, porteuse de pain, marchande de soupe, lavandière, couturière, je travaille 10 à 14 heures par jour pour un salaire dérisoire’.
MEYSSAN poursuit son travail de mise en valeur de la Commune depuis son roman graphique édité à partir de 2017, bâti en 3 volumes ‘les damnés de la commune’, décrivant le destin du communard, Lavalette.
A la fois graphiste, mais profondément attaché au destin singulier des ‘gens de rien’, il s’est inspiré pour ce documentaire, de l’ouvrage de Victorine Brocher, cantinière des enfants perdus : ‘la nuit des morts vivants’ mais aussi de nombreuses autres recherches.
L’auteur poursuit dans son film, une approche narrative à la fois documentée et humaine, ciblant l’aventure de ces femmes et hommes, ayant vécu un moment collectif majeur, à partir du tout en bas.
Il donne à voir selon un format assez épuré, la puissance de ces 72 jours depuis le 18 mars 1871, qui ont conduit à l’élaboration d’une république sociale, résolument progressiste et révolutionnaire, jusqu’à sa violente destruction dans le sang par son ‘pendant’, la dite République des Versaillais, celle de l’ancien monde monarchiste, celle de l’ordre, d’Adolphe Thiers, Jules Ferry et consorts.
Le film colle à la sensibilité de ces temps troublés, est exclusivement constitué d’une iconographie du XIXe que l’auteur a collecté de longue date. Défilent ainsi gravures ou images d’archives, caricatures, portraits numérisés, puis scénarisés à l’aide de Marc Herpoux ; l’ensemble étant mis en forme, monté et animé avec Rémi Sagot Duvauroux, et travaillé de façon chorale au sein du studio Miyu *(citant l’auteur sur CNC le 18 mars 21).
La musique de Pierre Caillet et Yan Volsy accompagne de bout en bout, avec bruitages et cris, l’atmosphère parisienne insurrectionnelle.
Les voix amplifient l’émotion ressentie, avant tout celle de Yolande Moreau, incarnant Victorine, Simon Abkarian, le narrateur, soit un panel de 14 grands comédiens qui ont participé.
Ce film réintègre un épisode longtemps honni de l’histoire officielle, depuis l’amnistie de 1880, qui fût une première pierre à l’amnésie.
La semaine sanglante, crime de masse des pères fondateurs versaillais, clôture la dernière partie, voit tomber ces milliers de fédérés anonymes, morts fusillés, enterrés ou expulsés en Nelle Calédonie, renvoyant un écho d’anéantissement humain qui hante encore 150 ans plus tard.