J'ai quand même l'impression que ce premier film (primé à Cannes en 2007, il me semble) n'est qu'une mise à jour de tout ce qui a pu se faire dans le registre du mélodrame et des amours contrariées sur fond d'histoire d'un pays. Il y a un peu de "In the Mood for Love" dans la relation difficile qu'entretien l'héroïne avec ses amants, sans pour autant atteindre la puissance dramatique (ou esthétique) du style Wong Kar-Wai. On ne compte plus les films chinois ou taïwanais attachés à décrire l'évolution d'un pays à travers celle des personnages (je pense à Edward Yang et à ses délicieux "Yi Yi" et "A Brighter Summer Day", naturellement, mais la liste serait extrêmement longue), et cette comparaison n'est pas vraiment à l'avantage de "Les Dents de l'amour". Un titre qui trouvera sa justification in extremis, à la toute fin, sous la forme d'un cadeau amoureux et d'un souvenir original.
Le film place l'action entre 1977 (l'année qui suivit la mort de Mao Zedong, dans laquelle on sera transporté par flashback) et 1987 : le contexte politique et historique relève de l'évidence. Yuxin Zhuang s'intéresse aux changements de la Chine à cette époque charnière, sociaux, économiques, au lendemain de la révolution culturelle. À ce titre, les relations amoureuses explicitées ici ne seront vues et vécues qu'à travers le prisme de la souffrance et de la culpabilité. Culpabilité liée à la mort d'un étudiant du temps où la protagnoiste, Qian Yehong, appartenait à un gang juvénile ; souffrance (physique et psychologique) en lien avec toutes les déceptions amoureuses qui s'ensuivirent, comme une punition. Dix ans durant, d'étudiante à médecin en passant par le statut d'ouvrière dans une usine de viande, elle ne saura trouver son bonheur. Frustration de l'épouse insatisfaite, regrets des choix d'une vie passée : la torture que subit Qian Yehong trouve bien sûr un écho dans l'histoire de son pays.
[AB #134]