J 'ai revu hier avec plaisir les dents de la mer de Spielberg sorti en 1975 .
A l'heure où on parle tellement d'environnement aujourd'hui , il est étonnant de voir dans le film , la difficulté , dans cette île américaine de la côte est pour le maire et nombre d' habitants à prendre des mesures nécessaires : fermeture des plages .. alors que plusieurs personnes ont déjà été déchiquetées par un requin .
Car l'environnement c'est aussi la protection de l'homme qui peut conduire à tuer un requin . Il s'agit là de protéger l'espèce humaine .
Au même moment actuellement en France , alors qu'il y a des algues vertes sur des plages dans la baie de Saint Brieuc , trois d'entres elles ont été fermées , notamment à Hillion .
En 1975 , il y a donc presque quarante cinq ans , on est confronté à une réelle inconscience environnementale de la part du maire . On sort à peine des Trente Glorieuses . Il est obsédé par les touristes qui vont débarquer en masse du car ferry pour le jour férié du 4 juillet . Rien d'autre ne compte .
Pour paraphraser Rabelais , on peut dire que "tourisme sans conscience n'est que ruine de l'environnement et de l'humain" . On peut ainsi penser et surtout espérer que" tourisme sans conscience" ne conduira pas à sous estimer le dosage excessif en plomb autour de Notre Dame de Paris .. alors même que certains scientifiques disent que le danger est réel ..
Sans doute , si le film a eu un tel succès , ce n'est pas pour la question de l'homme , c'est plutôt en tant que "film catastrophe " . On y retrouve un peu la même tension que dans un film réalisé peu longtemps auparavant : Psychose d'Hitchkock ( 1969 ) .
On sent que le danger est là . On est comme au coeur de ce danger . Le tension monte chez le spectateur est on attend le moment où le requin va frapper , déchiqueter des gens , tout comme on attend dans psychose le moment où le psychopathe , Anthony Perkins va frapper ..
Curieusement , on ne retrouve pas la même tension dans une autre film d'Hitchchock , les Oiseaux . Il y a une tension mais ce n'est pas la même .
Alors que dans les Oiseaux les tueurs et les victimes sont un groupe . Dans Les dents de la mer et Psychose , tueurs et victimes sont ciblés .
Evidemment l'effet est maximal , la première fois que l'on voit Psychose ( la scène de la salle de bain ) ,tout comme la première fois que l'on voit les dents de la mer .
Dans les deux cas , la musique , excellente , joue une rôle essentiel .
Mais ce n'est pas tout . De façon presque dérangeante ,Spielberg ne nous montre pas des touristes sympathiques . Une foule un peu bête , un peu "gnan gnan" qui débarque en troupeau du car ferry , avec tout son matériel de vacancier .
A la limite , tout comme le scientifique spécialiste des requins , Spielberg a presque plus de sympathie pour le requin . Il est certes cruel .. mais au moins on ne s'ennuie pas . Il vient mettre du sens , du drame , de l'adrénaline , dans un monde insipide .
On lui en serait presque reconnaissant . Le requin na pas choisit d'être malfaisant pas plus qu'un aigle qui fonce sur sa proie . S'il s'agissait d'un humain ce serait différent à moins d'être classé irresponsable sur le plan psychiatrique .
Tous ces vacanciers , touristes un peu vains ne prennent pas la vie au sérieux . Le requin est là pour le leur rappeler en les confrontant brutalement et la mort
Certains diront que les dents de la mer , "c'est dépassé question effets spéciaux ". Peut être , mais l'intérêt majeur du film n'est pas dans les effets spéciaux qui sont souvent un peu pour les cinéastes sans talent ce que le play back est pour les chanteurs sans voix .
On a aussi de bons acteurs tels Roy Scheider qui joue aussi dans Marathon man , le chef Brody , muté de New York avec sa femme et ses deux enfants et qui n'aime "pas particulièrement la mer" ..Le doublage des voix est également excellent ce qui est aussi essentiel ( on pense au massacre de la voix d'Ingrid Bergman dans des films d'Hitchock ) .
Mais ce n'est pas tout . Le titre original du film est "Jaws" : mâchoires .Les dents de la mer n'est pas une traduction exacte .
On comprend bien que le type qui a fait la traduction a du se dire
" as - tu été voir mâchoires ?" ; Ce n'est pas très "vendeur"
. As- tu été voir les dents de la mer . Cela passe mieux .
Malgré tout , on perd là quelque chose .
Comme dans Jonas et la Baleine ( on pense à Melville ) , dans Jaws il y a l'idée d'engloutissement . On le voit bien sur l'affiche avec la gueule du squale grande ouverte .
Il ne s'agit pas seulement d'être tué par le requin. Il absorbe ; engloutit .
Il est un peu cocasse qu'un super puissance à l'époque déjà société de consommation qui engloutit elle même et consomme une partie importante des ressources de la planète , ait comme angoisse existentielle , la peur d'être engloutie . La peur du néant .
Ce qui contribue aussi à expliquer l'énorme succès d'un film qui a fait 470 millions de dollars de recettes ,le premier "blockbuster de l'histoire " , pour des millions des spectateurs qui ont transposé leur angoisse d'être engloutis à travers la métaphore d'un requin dévastateur .
Cela nous renvoie à la question biblique du déluge : Noé et son arche . Les pionniers du May Flower qui débarquent en 1620 , sur la côte est , non loin , du lieu du drame des dents de la mer , sont aussi un peu sur une arche de Noé .
Avec la traduction française du titre on perd un peu cette dimension là .
Cela montre aussi sans doute , que le pays géant superpuissance des années 1970 n'était alors pas si sûr de sa force . Ne dit on pas que cette décennie est pour les USA , la "décennie du doute ?"
Watergate un an plus tôt , défaite de la guerre du Vietnam , la même année , choc pétrolier deux ans plus tôt , crise du dollar en 1971 .
Il est vrai aussi que douter de sa force pour un géant n'est pas un preuve d'imbécillité .
Un très bon film donc , comme souvent les film de Spielberg , idéal à regarder pendant les vacances .
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