Sans destination, il n'est pas de destinées...

Hasard des programmations, sortent cette semaine deux films mêlant réalité et fiction pour un résultat sur le fil, tendu, prêt à rompre. Après Brady Jandreau dans "The Rider" et sa plongée vertigineuse dans les grands espaces de la vie, nous arrive d'Israël Ascher avec "Les destinées d'Ascher" de Matan Yair.


Il s'agit là du premier long métrage du réalisateur, qui est également écrivain et professeur de lettres à la ville. "Les destinées d'Ascher" s'appuie sur son expérience d'enseignant mais surtout de la rencontre réelle avec le jeune homme (c'était l'un de ses élèves) qui incarne son propre personnage à l'écran à quelques nuances près.


Asher 17 ans en est à sa dernière année d'école, après le bac son père souhaite qu'il le remplace à la tête de sa petite entreprise d'échafaudages. Mais Asher n'a ni le goût des études, ni celui de l'héritage paternel, il subit. Asher est un garçon "hérissé", il lui en faut peu pour partir au quart de tour et s'en prendre à qui ou ce qui l'ennuie. Tel un enfant, il refuse les limites, le cadre institutionnel et agit toujours avec impulsivité. Seul son professeur de lettres semble susciter chez lui un intérêt et le canalise un peu.


Le film repose principalement sur les questionnements du garçon et ils sont nombreux. La figure paternelle traditionnaliste (droite, sévère, juste) prenant l'ombre depuis l'arrivée de ce prof libertaire (à l'écoute, charismatique, guide), il est de fait assez déstabilisé et s'interroge. C'est donc autour de ce moment clé de la vie du jeune homme que tournera le film. S'ajoute à cela une série d'évènements sérieux auxquels le jeune garçon devra faire face venant compliquer la donne.


Bien évidemment le sujet semble quelque peu éculé car "Les destinées d'Asher" fait partie d'une longue lignée de films similaires auxquels on a droit chaque année. Matan Yair y apporte une note bien particulière tant sur la forme que sur le fond. Il aime son héros et lui offre un cadre parfait. En effet, nombre de scènes courtes, de plans nerveux souvent rapprochés et ce montage très enlevé traduisent ce sentiment d'impulsivité, cette impatience qu'à Asher à vouloir réponse à tout immédiatement. Yair sait filmer l'urgence. Il démontre bien également le confinement de sa vie (l'école, le chantier, la maison) provoquant le besoin irrémédiable de fuir. En plus peu nombreuses sont les femmes vraiment proches dans la vie du jeune garçon, pouvant lui apporter écoute ou de la tendresse, ce qui l'oblige à toujours être dans l'affirmation, la provocation, l'affrontement. Tout cela représente un terreau fertile à son agressivité.


Et puis il y a Asher Lax, l'acteur dont on sent bien les similitudes entre vie et rôle. Il est tellement authentique, incandescent qu'il vampirise un peu le film au détriment des autres acteurs Ami Smolartchik (le prof) et Jacob Cohen (le père), tous deux très bons mais dont les rôles sont un peu tronqués. Cela nuit un peu à la profondeur du propos, mais force est de reconnaître que le personnage est unique, beau, intense et si crédible.


La fin reste ouverte, d'autres pages seront à écrire, d'autres destinées à vivre. Mais ces quelques instants de vie vécus avec Asher donnent souvent le frisson et produisent quelque part de la compassion...

Fritz_Langueur
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le 2 avr. 2018

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Fritz Langueur

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