Qu’il embrasse une certaine idée de la fresque historique made in France selon une forme quasi télévisuelle, Assayas reste attaché au mouvement, au flux des corps, multipliant les entrées et sorties de champ souvent brèves et fulgurantes, les retours d’ellipses, la rythmique d’échanges. Mouvement permanent qui fusionne avec celui des sentiments, ici la rencontre/coup de foudre entre un pasteur bourgeois, charentais et marié et une cousine désargentée, qui deviendra sa femme, voguant au gré de l’industrie de la Porcelaine et la bourgeoisie protestante, du début du siècle à l’aube de la seconde guerre mondiale.
La traversée du couple à travers ce temps bouleversé par la grande guerre et le krach boursier est ce que le film réussi de mieux, mariant l’effervescence et l’accalmie, ellipse et langueur, à l’image de ce doux exil du couple, dont on ne pourra situer la durée ni la précision temporelle puisque la mise en scène s’y fond corps et âme. Moins réussi, le vieillissement de trente années des personnages, assez grossiers en comparaison du somptueux travail de reconstitution qui nous est offert autour. Mais c’est un détail. Un détail qui raconte cela dit beaucoup des hésitations du cinéaste, à investir le cinéma classique ou le cinéma moderne. C’est à la fois brillant et académique. Rempli de prouesse et de torpeur narrative, d’élégance visuelle non dénuée de froideur.
Mais il y a aussi une précipitation paradoxale intéressante. Dommage de rarement voir le film l’exploiter au moyen de longues séquences élégantes comme celle du Bal, la fabrication des assiettes voire cette subtile scène de son de cloches pour la déclaration de guerre ou cet incroyable récit elliptique, indomptable, sans date précisée sinon celle de départ et les diverses évocations fondus dans le récit à l’image de ce dialogue paumé dans le futur qui se remémore un certain soulèvement de 1905. Pas le plus organique des films d’Assayas, manque sur la durée de souffle et de mystère, mais intéressant, quoiqu’il en soit.