Je l'avais vu il y a des lustres, probablement dans sa version initiale et je m'y étais un peu ennuyé. Je viens de le revoir dans son montage définitif (réalisé par Truffaut quelques mois avant sa mort en 1984) et une version de 135 minutes, et là je l'ai aimé.
Qu'on se passionne ou pas pour les thèmes traités (différentes formes d'amour que, pardon, je ne me sens pas trop en mesure de développer ici), c'est un joli film. Romantique et plein de fraîcheur. Par ses couleurs, ses décors intérieurs ou extérieurs (notamment, une merveille de chemin de campagne anglais), ses personnages : Jean-Pierre Léaud à 27 ans et en paraissant 3 de moins, Philippe Léotard à 30-31 pas encore cabossé par la vie (du moins en apparence) et deux actrices britanniques de 29 et 22 ans : Kika Markham et Stacey Tendeter, assez peu connues de ce côté-ci du Channel mais fraîches et jolies.
Romantique également par sa photographie (l'oeuvre du grand Néstor Almendros) et par sa musique (cf. lien ci-dessous).
Le scénario est adaptée, comme l'avait été Jules et Jim, d'un roman de Henri-Pierre Roché. C'est encore une histoire de triangle amoureux, avec deux femmes (deux soeurs) et un homme, cette fois. Les péripéties peuvent paraître longuettes et tirées par les cheveux et le principe de narration adopté (par voix off, celle de Truffaut) un peu désuet ; néanmoins le résultat d'ensemble, bien que d'une tonalité assez triste, est plutôt charmant et ne manque ni de classe ni d'allure. Et puis... cette espèce de réflexion sur ce qu'est l'amour, cette tentative d'intellectualisation du sentiment amoureux (en le dissociant du sexe pur, des pulsions purement physiques) lui donnent un petit côté rohmérien (on n'est pas si loin que ça de Ma nuit chez Maud et du Genou de Claire) précieux, poétique, presque déchirant. Ces deux Anglaises dont Claude ("le Continent") est épris m'ont aussi, peut-être bizarrement, fait penser aux soeurs Brontë, à Emily surtout ; il faut dire que la voix off donne au film un ton littéraire qui peut dérouter.
Bref, sans avoir été pleinement enthousiasmé par cette deuxième vision des Deux Anglaises et le Continent, je comprends tout à fait que Truffaut ait pu le considérer comme son chef d'oeuvre et consacrer ses dernières forces à peaufiner au mieux son montage. Je suis convaincu que la postérité lui rendra justice et que le film, gagnant peu à peu l'estime de la plupart des cinéphiles, restera comme un de ses meilleurs.
https://www.youtube.com/watch?v=cu-fGn3NWWY (fermer les yeux en l'écoutant ; un peu de tendresse dans ce monde de chiennerie).