Oui, il est arrivé à Francois Truffaut de faire de bons et de très bons films. C'est indéniable. Mais il en a fait autant de moyens, de mauvais et de franchement mauvais, comme Deux Anglaises et le continent. Et il serait peut-être bon avec le recul que l'on commence enfin à faire preuve d'un peu d'honnêteté au sujet de son œuvre.
Depuis sa disparition en 1984 on n'a plus jamais rien lu de négatif au sujet de sa filmographie car c'est bien connu, si les absents ont toujours tort, les morts, eux, ont toujours raison. Ainsi, son décès l'a sacralisé (comme beaucoup d'autres) et tout ce qu'il a pu faire ou dire passe désormais pour référence absolue et parole d'évangile (relayée par le "journal officiel" - Les Cahiers du cinéma, of course) car il était une des figures de proue de cette fameuse Nouvelle Vague dont on nous rebat les oreilles depuis 60 ans (plus très nouveau tout ça). On le vénère dans les écoles de cinéma et le cinéma français se complaît à pondre des films dits d'auteur - comme si c'était un genre en soi - sans que personne ne sache plus ce que cela veut dire et surtout d’où cela vient à l'origine et le type de films que cela pouvait désigner.
Enfin bref ! Des films comme Deux Anglaises et le Continent, Une belle fille comme moi, La Sirène du Mississippi, Domicile conjugal et L'Amour en fuite ou encore La Chambre verte sont bourrés de défauts et souvent aussi très mal interprétés (déjà, lorsque Truffaut joue lui-même dans un film - Rencontres du 3e type excepté - ça le handicape).
Et par charité, on ne parlera pas de Tire-au-flanc 62, co-réalisé et co-scénarisé par Claude de Givray, vu que même les films des Charlots sont meilleurs.
Truffaut qui honnissait, entre autres, les adaptations littéraires de Jean Delannoy et la "qualité France" de l'après-guerre nous sert ici un verbiage littéreux permanent, ringard et bourré de poncifs. Bref, l'hôpital se moque de la charité. La mise en scène est morne tandis que la réalisation est plombée par une surabondance de fondus au noir, de fermetures à l'iris, de lettres lues à haute voix et de voix-offs (le pire aveu d'incompétence narrative au cinéma. Sans compter que la diction de Truffaut, avec sa voix de canard enrhumé, est exécrable. Lorsqu'on n'a pas d'idée cinématographique - c'est-à-dire visuelle - pour susciter une émotion ou exprimer une idée, on recourt en effet à la voix off pour expliquer bêtement).
Ce film est un fleuron de la "nouvelle qualité France" qui présente des personnages insipides, se créant des problèmes alors qu'ils n'en ont pas. Les acteurs sont fades ou mauvais (Léaud à l'expressivité d'une porte de prison, et on se demande ce que ces deux Anglaises peuvent bien lui trouver). Lorsque la voix off raconte que Claude (Léaud) n'a jamais été aussi bouleversé de sa vie, celui-ci a exactement la même expression figée que lorsque tout va bien pour lui, c'est-à-dire une froideur absolue. L'émotiomètre est à 10 en-dessous de zéro.
Deux Anglaises et le Continent est un film prétentieux et ennuyeux qu'il n'est absolument pas nécessaire de voir... A moins d'être un de ces fanatiques de Truffaut, de Rohmer ou d'Eustache qui n'aura pas supporté une ligne de ce qui a été écrit dans le présent avis (et ils sont légion, conditionnés par la dictature de la Nouvelle Vague et du prétendu cinéma d'auteur).