Après une dizaine de films vus de Ridley Scott je me suis dit qu’il serait enfin temps de m’attaquer à son début de carrière. Oui oui, l’époque où le monsieur avait du talent, qu’il semble avoir perdu depuis de nombreuses années, comme tant de ses semblables.
Avant de s’attaquer à la science-fiction dont il est un des parangons les plus illustres, de par ses chefs d’œuvres cinématographiques que sont Alien et surtout Blade Runner, le bougre s’est au départ lancé avec un film historique. « Genre » qu’il retentera plus tard, pour le meilleur (Gladiator) et pour le pire (Robin des bois).

Mais ici, contrairement aux deux autres mentionnés ci-dessus, point de grand spectacle à l’horizon, c’est le réalisme (si je puis dire) qui est ici de rigueur.
Ridley Scott met en image un récit du grand écrivain britannique Joseph Conrad) et nous narre ici l’opposition de deux officiers de l’armée napoléonienne qui s’étale sur une période de quinze années. Entre le lieutenant Féraud, incarné par Harvey Keitel, et le brigadier d'Hubert joué par Keith Carradine , la rancune est tenace. Et c’est un homme qui s’est dit outragé, Féraud, homme provocateur, orgueilleux, bourru, quelque peu rustre mais fin duelliste, qui n’aura de cesse de chercher des poux au dandy brigadier à chaque fois que leurs chemins se croisent en le provocant en duel. Pour garder intacte sa réputation, notre cher d'Hubert ne peut guère refuser les « invitations » de ce fieffé Féraud.
Mais au fait, pourquoi se battre ainsi pourraient ils se dire ? Cela n’est point la question manants ! Vous rétorquera t on ! Il faut se battre, un point s’est tout !
C’est là un des points cruciaux du film de Scott, l’honneur, qui est mis au centre de l’intrigue. Cette valeur qui semble être placée au-dessus de tout, qui mérite tous les risques, tous les sacrifices, qui paraît être pour ces hommes la chose la plus cardinale à défendre dans leur frêle et précaire existence humaine. On le voit notamment avec d'Hubert prêt à mettre en péril sa paisible et placide existence aux côtés de sa femme et de son futur enfant pour répondre aux invectives de son rival de toujours.
En tout cas, il est toujours intéressant d’observer cette folle prise de risques avec nos yeux de contemporains qui tourne à l’obsession voire au ridicule, où les enjeux paraissent si tenus et insignifiants pour de tels affrontements « aléatoires ». Une toute autre époque en somme.

Cet honneur à défendre prend la forme du duel, affrontement selon des règles précises entre deux individus, jusqu’à la mort ou l’abandon d’un des deux participants. Dans son film Ridley Scott a choisi un angle réaliste pour mettre en images ces fameuses joutes. Et il le fait plutôt bien. Des affrontements à l’arme blanche (ou à feu) moins spectaculaires que dans d’autres films du genre, mais qui au contraire se font beaucoup plus prenants et intenses, et où la tension est présente à chaque instant.
La vie de chaque belligérant ne tenant qu’à un fil et chaque blessure pouvant être mortelle. Une seconde d’inattention, et c’est la défaite, ou la mort.

Une des autres qualités des Duellistes est indéniablement son aspect visuel qui fait parfaitement corps avec le côté réaliste du film, misant sur ses paysages naturels de toute beauté et de ses costumes d’époque qui font mouche. Le tout permettant une parfaite immersion dans le récit.

De même, le film Ridley Scott nous offre ici une ambiance que l’on pourrait presque dire enivrante, dans un monde où les personnages semblent être eux même perdus, embrumés, mis en lumière par un rythme lent, apathique mais loin d’être lambin, rassurez vous.
Et en 1977 déjà, le réalisateur nous démontre qu’il possède certains talents dans le cadrage des plans et de la mise en scène, certes sujets à critiques mais qu’il perfectionnera dans ses chefs d’œuvres suivants.

Pour autant, je ne considère par Les Duellistes comme un des meilleurs longs métrages du réalisateur, tout est propre mais manque un peu d’épaisseur et de magie. J’aurais souhaité un développement plus important du cadre historique (bien qu’on devine les étapes du règne de Napoléon et de l’installation à la fin de la Restauration) et un récit moins succins de la vie des personnages et notamment de Féraud qui reste en arrière plan, celle de d'Hubert nous étant plus contée que celle de son confrère bretteur.

Tout le monde l’aura remarqué, Les duellistes ressemble donc logiquement par certains aspects au sublime Barry Lyndon de Stanley Kubrick, de par son visuel léché se rapprochant d’une œuvre picturale ou encore par son rythme posé et entrainant. Mais ce film ne demeure point un ersatz amer de ce dernier et jouie d’une saveur propre, qu’il est agréable de gouter. A découvrir donc.

Premier film, première réussite.

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51
9

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