Le goût du sang
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Présenté à Cannes en 1977 où il obtint un prix de consolation (prix de la première oeuvre), ce premier film de Ridley Scott est tiré d'une nouvelle de Joseph Conrad qui elle même s'inspire d'un fait divers historique, en dénonçant un rituel décadent qui pourtant a survécu en France et en Angleterre jusqu'au 20ème siècle, et qui consistait à se battre à l'épée ou au pistolet pour régler un litige ou une affaire d'honneur. C'est ce que vont vivre ces 2 officiers français de la Grande Armée, de classes sociales différentes pour une cause qu'ils finiront par oublier. Mais le plus saugrenu, c'est que ça sera une longue suite d'échanges et de coups de sabres pendant 16 ans à travers tous les champs de bataille de l'Europe au cours des guerres napoléoniennes, et dont l'un ou l'autre sort blessé. Un sujet pour le moins curieux.
Pendant longtemps, ce film fut assez méconnu parce que les 2 films suivants de Ridley, Alien et Blade Runner vont l'éclipser injustement ; il a été réhabilité assez récemment. J'ai retrouvé une interview de Ridley qui présentait son film à l'époque en disant que malgré son titre, ce n'était pas un film dans le style des films à la Errol Flynn, mais plutôt d'une sorte de chorégraphie de ballet sur le thème d'une idée fixe. Il est vrai que ces duels entre Harvey Keitel et Keith Carradine ont une certaine esthétique et sont filmés avec un sens aigu de l'image et de la lumière, dégageant ainsi une beauté plastique étrange.
Avant cette première oeuvre, Ridley Scott avait collaboré comme décorateur à la BBC puis comme réalisateur de spots publicitaires, et Duellistes contient déjà tout ce qui fera les qualités du cinéaste : sens esthétique de la dramatisation, force du sujet, beauté des images, rigueur scrupuleuse de la reconstitution historique, des décors et des costumes... on sent que son film et ceux qui suivront tireront les leçons de son apprentissage à la télévision, sans tomber dans les travers de l'esthétisme gratuit et du fond vide.
Malgré toutes ces qualités dont je suis admiratif, je n'ai pas complètement adhéré au sujet que j'ai fini à la longue par trouver répétitif et un peu lassant, l'esthétisme ne fait pas tout, mais ça tient à pas grand chose et je suis parfaitement capable de réévaluer le film un de ces jours. Il faut quand même retenir que pour un premier film, Ridley s'imposait sur la scène internationale avec une incontestable maestria, et que le face à face Keitel - Carradine est d'un niveau d'excellence hors du commun, les 2 vedettes étant bien secondées par Edward Fox, John McEnery, Robert Stephens, Tom Conti, Cristina Raines, Alun Armstrong et Albert Finney dans un rôle secondaire.
A noter une petite anecdote personnelle : avant de partir tourner en Ecosse et à Londres, Ridley Scott avait transporté son équipe en Périgord autour de Sarlat, il a tourné notamment une scène et un duel sur un champ devant le château de Commarque ; ce château féodal était en 1977 en ruines et était en phase d'entretien par de jeunes bénévoles dont je faisais partie, manque de chance, notre équipe n'a pu être présente le jour du tournage de ces scènes, la production ayant imposé l'accès uniquement à l'équipe technique et aux acteurs, j'ai donc raté la chance de voir cette équipe de tournage.
https://www.guide-du-perigord.com/_bibli/annonces/7613/hd/chateau-de-commarque-22-01.jpg
le château de Commarque aujourd'hui, perché sur une falaise, avec son solide donjon haut de 42 m.
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Créée
le 18 mai 2021
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