Sans doute le plus beau noir et blanc du maître (quoi que Rebecca…) C'est Bergman qui porte le film, Grant étant réduit à jouer les faire valoir. Son rôle n'était pas évident, une aventurière pocharde très habilement manipulée par les services secrets qui s'en sort merveilleuse bien, du moins au début. Hitchcock doit faire preuve d'ingéniosité pour détourner les contraintes puritaines du code Hayes, ainsi il nous fait comprendre sans le dire qu'Alicia s'est prostituée, de même qu'il nous fait comprendre que pour qu'elle puisse réussir sa mission, il faudra coucher ! Tout l'art de dire les choses sans les dire ! Et il fera encore plus fort, en ce temps-là, le Code Hayes dans son infini bêtise avait décidé qu'un baiser ne devait pas excéder 3 secondes ! Que fait Hitchcock ? Il fait faire à ses acteurs toutes une série de baisers de 3 secondes… et ça dure plus de deux minutes. La force du film est dans la montée du suspense, pratiquement inexistant au début, on se demande ensuite comment l'engrenage va se gripper, et quand il grippe, ça n'arrête plus jusqu'à ce plan final d'une efficacité et d'une cruauté prodigieuse. L'intrique d'espionnage est par ailleurs enrichie par les rapports compliqués entre Grant et Bergman, entre l'amour et le devoir et Hitchcock dans ce difficile exercice d'équilibriste s'en sort à merveille sans fard et sans niaiserie. Parmi les acteurs secondaires, si Claude Raims fait le boulot avec efficacité, il faut souligner la prestation fabuleuse de Léopoldine Konstantin en mère abusive, une vraie teigne qu'on a envie de sortir de l'écran pour la baffer ! Bref, ce film est un chef d'œuvre !