3ème Festival Sens Critique, 2/16
On est souvent étonné de voir la fougue que contiennent les films des années 30, dans cet âge d’or entre l’avènement du parlant et avant l’arrivée du code Hays : qu’on considère les Lubitsch de cette période, ou ce drame social de Wellman, la vigueur, l’énergie et la spontanéité des comédiens sont autant d’éléments qui séduisent.
Sur un sujet bien moins léger que les comédies de Lubtisch, Wellman traite donc de la crise et de son impact par les enfants jetés sur les routes en quête de travail.
Le film commence comme un récit individuel, dans le home sweet home américain bientôt gangréné par le chômage. A partir du moment ou Edward décide de prendre la route pour gagner les villes, illusoire promesse d’embauche, il devient un individu qui se fond dans une masse de plus en plus importante : sur les trains, dans les gares, dans les égouts transformés en bidonvilles, toute une population se presse autour de lui pour dépeindre le tableau d’une Amérique ravagée.
Pourtant, l’ère de l’insouciance du départ, mettant en scène une jeunesse enthousiaste, contenant déjà les indices du drame social à venir : l’impossibilité d’entrer au bal faute de moyen, le vol de l’essence dans la voiture en témoigne : l’inertie de la crise gagne du terrain. De la même façon, la vente de la voiture qui finira en pièce détachée annonce un cran supplémentaire dans la violence qui sera faite au corps par la scène de l’amputation.
Le climat social est ainsi violent par le manque, et la nécessité, mais aussi dans ses figures d’autorité : dénoncés, chassés, délogés, les enfants sont les proscrits d’une société qui ne sait plus qu’en faire. Face à eux, la révolte s’organise, et l’on ne reverra pas de sitôt un tel appel à l’émeute ou au discrédit sur les adultes, violeurs, violents ou au mieux insensibles.
Embarquée sur le train des clandestins, la caméra restitue avec finesse le mouvement des masses et les impasses vers lesquelles elles se dirigent sans cesse. Malgré un appel à la concorde et un message résolument optimiste dans son final, le film aura eu le mérite de mettre des visages sur ces destinées, et celui d’Edward (qui ressemble étonnement à celui de Léaud dans Les 400 coups) restera gravé comme un des modèles de cette sombre période.