Shimizu en mode mineur, ce qui reste de très loin agréable à regarder au titre du schéma presque exclusif chez lui du road movie peuplé d'enfants. L'épure du trait est toujours là, mais je trouve que ce qui était simple, beau et émouvant dans les années 30 muettes ("Des enfants dans le vent" et "Les Quatre Saisons des enfants") est devenu un peu plus artificiel, le geste presque forcé, à la fin des années 40 et avec la parole. Le récit est extrêmement ténu, puisqu’il s'agira simplement d'un soldat rapatrié (au terme de la Seconde Guerre mondiale) découvrant un groupe d'une dizaine d'enfants orphelins qui vivent en se débrouillant dans la misère. La situation initiale est posée très vite, ils obéissent à un unijambiste escroc, ils survivent en volant et revendant des bricoles, et le mouvement du film est annoncé dans la foulée, puisque le soldat prend les enfants sous son aile et les emmène dans le foyer où il fut en son temps lui-même réfugié.
L'essentiel des péripéties est là, le trajet de ce groupe formé autour du soldat traversant un Japon en ruines. Vision d'horreur parfois, notamment au détour d'une pause vers la fin du film dans la ville d'Hiroshima dévastée, dévastation totale assez surprenante que l'on peut voir dans ce qui ressemble à ce moment-là plus que jamais à une version nippone de « Allemagne année zéro » — les ruines sont les mêmes, en Allemagne ou au japon, et les tournages ont été réalisés la même année. Shimizu a fait tourner des enfants orphelins recueillis après la guerre et réunis autour d'une figure paternelle de substitution : cela constitue un des meilleurs points du film un peu faible au demeurant sur le fond du scénario, sur la mise en scène de vies extrêmement rudes, et sur le recours à la dramatisation dans le dernier temps. Une escalade toutefois mémorable pour aller voir la mer, ultime résignation devant la mort et dans un paysage dévasté.