Rebecca Zlotowski filme la maternité comme un bonheur inaccessible pour Rachel, dont le compte à rebours de l’horloge biologique a inéluctablement commencé. Cependant, en femme modèle, elle adopte temporairement les enfants des autres, en devient le référent maternel, acceptant ce rôle secondaire avec courage et bienveillance, sans perdre l’espoir d’être à son tour mère.

Lacan avait beau dire que « La femme n’existe pas », force est de constater qu’un « éternel féminin », ou « l’Anima » selon Jung, conditionne ses comportements. Rachel, symptomatique d’une génération qui devient parent de plus en plus tard (études plus longues, souci de carrière, envie de profiter de la vie, ...), se réveille sur le tard lorsque à 40 ans elle découvre son désir, ou plutôt son besoin de maternité. Pression sociale ou inconscient maternel ? La réalisatrice évitera d’y répondre, bien que la question mérite d’être posée. Soit. Pour combler ce manque vital, Rachel jouera des rôles de mère de substitution, à l’école d’abord, avec ce gamin qu’elle regarde non seulement comme mère mais comme amante (Zlotowski nous expliquant subtilement mais didactiquement l’Œdipe), puis avec la fille de son nouveau compagnon.

Le récit bénéficie d’un rythme maîtrisé, d’une narration dense, d’une palette variée de sentiments et d’un point de vue clairement positif qui enferme le film dans une sorte de feel good movie. En effet, malgré le manque de Rachel, aucune tristesse n’est montrée, ou presque, la cinéaste craignant le pathos. De plus, tout se passe toujours bien, que ce soit avec ses étudiants, son compagnon, l’ex-femme de celui-ci, aucune dispute, aucun conflit, même après l’accident de voiture – bref, un monde trop beau pour être vrai. En ce qui concerne les personnages, même constat avec un Ali, homme idéal, attentionné, bon amant, drôle, beau, intelligent, etc, tout comme Rachel qui ne se plaint jamais, ou qu’à demi-mot, encore une fois trop parfaite pour être vraie. Cette absence d’équilibre, cette fausse pudeur émotionnelle qui n’est qu’un détournement de la réalité pour construire un monde artificiel sublimé, nuit à notre sens à la vraisemblance du film et à sa richesse dramatique, l’enfermant ainsi dans un mélo réducteur.


Marlon_B
6
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le 21 nov. 2024

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