Les Enfants terribles par Maqroll
Un an après avoir mis en scène Les Parents terribles, d'après sa pièce, Jean Cocteau renonce à adapter lui-même son roman presque homonyme et confie la tâche à Jean-Pierre Melville, auteur indépendant (du moins à cette époque) dont ce fut le premier film de commande. Bien qu'inconditionnel de François Truffaut, je ne partage pas son avis au sujet de ce film, qui était pour lui le meilleur de Melville, tiré du meilleur roman de Cocteau. Je pense même que les deux talents se contrarient pour aboutir à un film en partie raté. Tout d'abord le choix des acteurs est aberrant tant ils sont éloignés de leurs personnages au niveau de l'âge. De plus, Édouard Dhermitte, amant de Jean Cocteau (également fils adoptif et légataire universel du poète) n'a aucun don pour le métier d'acteur et sa performance est pitoyable. Il réussit même à entraîner sa partenaire, Nicole Stéphane, dans un jeu aussi peu naturel et aussi forcé que le sien. L'autre réserve concerne l'utilisation du son, qui prime trop souvent sur l'image, ce qui est très surprenant de la part de Melville et prouve bien l'influence négative de Cocteau sur sa direction (Les Parents terribles étaient déjà horriblement et naturellement verbeux en tant qu'adaptation d'une pièce de théâtre). Enfin, les commentaires off de ce même Cocteau sont gênants, non pas tant à cause du phrasé précieux de l'auteur et de son ton emphatique (semblant ridicules aujourd'hui mais tout à fait banals à l’époque, comme le prouvent l’écoute des bandes sons des actualités de ces années-là par exemple) mais par leur effet inutile et donc redondant par rapport aux images. Cependant, reconnaissons que le film contient dans sa dernière demi-heure (disons à partir de la mort de Michael) des fulgurances magistrales - au niveau de l’image pure - dans l’exposé des passions exacerbées de cette famille au bord de l’inceste. En conclusion et malgré toutes les réserves, voilà un film très estimable, à défaut d'être le chef d’œuvre que certains ont un peu trop vite proclamé.