Les Espions est un film d'espionnage (Kafkaïen) écrit, réalisé et produit par Henri-Georges Clouzot, d’après d'après le roman de Egon Hostovsky... qui met en scéne (dans un Noir et Blanc très bien bienvenu) le (pauvre) docteur Malic (joué par Gérard Séty... un comédien, parodiste et artiste de music-hall qui tient son seul grand role sur le grand écran) un psychiatre raté et propriétaire d'une clinique lépreuse de Maisons-Laffitte qui n'a que deux patients (Lucie, une jeune femme muette (Véra Clouzot) aprés un traumatisme et M. Valette (Louis Seigner) un toxicomane)... qui accepte l'étrange marché que lui propose le colonel Howard (joué par Paul Carpenter), de l'Institut de guerre psychologique des États-Unis : en échange d'une importante somme d'argent, héberger chez lui quelques jours, un certain Alex (joué par Curd Jurgens)... Dès l'arrivée du mystérieux personnage, la clinique est l'objet d'une étroite surveillance de la part d'une nuée d'espions parvenus sur les lieux et dirigés par Michel Kaminsky (excellent Peter Ustinov), le chef des services de renseignement russe qui comprend Victor (joué par Clément Harari), le faux garçon de café qui remplace du jour au lendemain le vrai (joué par Bernard Lajarrige)... par Constance "Connie" Harper (jouée par une impressionnante Martita Hunt), la fausse infirmière qui remplace la vraie, (Mme Andrée jouée par la toujours excellente Gabrielle Dorziat), laquelle est aidée dans sa tache par deux étranges et sinistres hommes de mains (joués par Fernand Sardou et Sacha Pitoëff)... et par Sam Cooper (joué par Sam Jaffe), le chef des services de renseignement américain... Sur ce, le pauvre Dr Malic va apprendre que le mystérieux Alex n'est autre que Hugo Vogel, un savant atomiste inventeur d'une arme terrifiante... et va vivre une expérience assez traumatisante ou il ne sait plus qui est qui ???
Servi par un superbe casting de belle gueule (ou je rajoute Otto-Eduard Hasse... Pierre Larquey qui joue le chauffeur de taxi... Georgette Anys : La buraliste... Jean Brochard : Le surveillant-général d'une étrange école... Daniel Emilfork : Helmut Petersen, un espion dans le bar... Robert Lombard : le contrôleur du train... Paul Bonifas : M. Barjot, Le propriétaire du bar... Hubert Deschamps : Un espion dans le bar... et le jeune Patrick Maurin (futur Patrick Dewaere) qui joue le petit Moinet...), H.G Clouzot adapte "Le vertige de minuit" de Egon Hostovsky un écrivain tchèque dont c'est le second roman... Et fait de cette œuvre sienne, en signant un ballet tragi-comique ou le triste héros doit rester un personnage ordinaire, sans initiatives et éternellement berné (comme le dit Mme Andrée (Gabrielle Dorziat) a son sujet...), un personnage falot (joué par un acteur plus ou moins ordinaire et (presque) inconnu (Gérard Séty) qui est le proprietaire d'une petite clinique misérable, laquelle est choisie pour cette raison par un (double ?) agent du contre espionnage pour cacher une personnalité importante (?) recherchée par l'est et l'ouest...
On parle d'une œuvre Kafkaïenne (ce qui fera dire Henri Jeanson à propos de l'auteur " Clouzot a fait Kafka dans sa culotte "... Mais c'est aussi une peinture (volontairement) caricaturale du monde fascinant et inconnu des espions professionnels qui domine le neuvième long métrage du cinéaste qui parlait ainsi de ses espions " Ils savent ce qu'ils ont à faire, mais ils ignorent le sens de leur action, ils ne connaissent pas les maitres qui profiteront de leur peine... Mais c'est aussi l'histoire d'un psychiatre raté aux prises avec des faux fous, de vrais aliénés et des agents secrets qui ont du si souvent donner des gages à chaque camps qu'ils ne savent plus eux-mêmes la partie qu'ils jouent... "
Très Kafkaïen donc, tellement que le film sera boudé par un public embarrassé et surpris a sa sortie, et sera défendu par quelques admirateurs, bien aprés sa sortie, dont fait parti, l'auteur de cette avis.
Enfin bref, H.G Clouzot ne signe peut être pas une grand film, mais une œuvre intrigante et Kafkaïenne... qui bouscule les idées reçues sur un milieu et des pratiques dont on savait peu de choses a l'époque ... et qui dénonce l’ambiguïté et les faux-semblants dans le monde du renseignement ((il faudra attendre John Le Carré et son Espion qui venait du froid (publié en 1963) pour en avoir l'équivalent).