Parce que j'ai horreur des bananes
En premier lieu, le métrage de Don Taylor se différencie des précédents opus au vu d'une tonalité comique, somme toute rafraîchissante. En exploitant à bon escient le thème de l'étranger contraint de se plier à des valeurs et mode de vie fort éloignés des siens, "Les Évadés de la planète des singes" démontre la relativité d'une culture dont les principes éthiques dépendent d'instances ethnologiques. L'échange des rôles aborde d'abord une perspective humaniste en suggérant l'égalité, du moins théorisée. Les tests d'intelligence rondement menés par la subtile Zira, la découverte d'un poste de télévision auquel on dit bonsoir, l'assimilation du vin au jus de raisin amélioré ou une apparition surréaliste de Cornelius en gentleman, alimentent donc tout un registre comique. Judicieusement agencée, la mise en scène parvient à maintenir un équilibre appréciable entre les scènes d'action ainsi que monologues dramatiques et ces moments de pure drôlerie.
À ce titre, la bande originale écrite par Jerry Goldsmith surenchérit la légèreté artificielle de l'oeuvre. Le troisième chapitre de la saga ne reprend pas directement les imagologies guerrières et apocalyptiques utilisées par Franklin J. Schaffner ou Ted Post mais en conserve les principales problématiques métaphysiques.
En effet, l'anthropocentrisme justifiant l'accueil réservé par les humains à des primates qui leur ressemblent, confère aux serrements de mains, sourires et embrassades, une dimension moins positive qu'il n'y paraît de prime abord. La repartie, le féminisme et la bonté de Zira sont appréciés non pas en tant que tels mais comme facteurs d'humanité, et par élargissement civilité. Amusantes, intrigantes et attachantes, les singes éveillent une sympathie. On écoutera le chimpanzé se révolter contre le sexisme afin de recueillir ensuite ses dires dans une revue consacrée aux animaux domestiques. Certes applaudis, les invités restent tout de même séquestrés dans une cage puis entre les murs d'un élégant hôtel. La xénophobie s'exerce de façon insidieuse, sous couvert de générosité. Offrir aux visiteurs la possibilité de s'habiller comme nous, revient à annihiler leur différence et donc identité. Encerclés par les militaires, nos héros n'ont d'autre alternative que de suivre docilement des hôtes bien décidés à camoufler une animalité qui, reflétant la leur, s'érige en menace.
Sous l'emprise de l'alcool, Zira avoue que la planète explosera en 3950, suite à une guerre causée par les gorilles. Paradoxalement plus altruiste que les affables psychiatres, Otto Hasslein pense aux générations futures et à une manière de modifier le cours du destin. L'extinction de la race signifierait la permanence de la domination humaine sur terre et en cela rendrait caduque la prophétie. La fin justifie-t-elle les moyens? L'exercice du libre-arbitre induit ainsi une certaine forme de courage, voire de lucidité, qui pousse l'anti-héros à s'attrister de la passivité manifestée par ses contemporains quant aux problèmes écologiques. Hasslein refuse de s'adonner à quelque fatalisme ni même à la théodicée, qui en revanche, permet à Armando de justifier ses actes. Le forain accepte d'aider le couple de fugitifs puisque, selon lui, notre avenir se trouve déjà écrit et que son terme relève d'une volonté divine impénétrable. Sans être époustouflantes, les scènes d'action contrebalancent les pauses dialoguées pour octroyer au film un rythme relativement soutenu. Au final, Don Taylor nous livre ici une suite plus honorable de la série.