Il y a toujours quelque chose d’assez revigorant à voir les créateurs sortir des sentiers battus. Lorsque Noémie Merlant, associée à Céline Sciamma – soit les deux tiers du chef-d’œuvre Portrait de la Jeune fille en feu – entament une nouvelle collaboration, la curiosité est forcément de mise. Et l’on peut aisément comprendre l’idée d’un changement de ton, tant les motifs de colère, voire de rage, sont nombreux lorsqu’il s’agit de s’attaquer à l’imposant dossier des violences faites aux femmes.
Les femmes au balcon impose ainsi un exercice de style radical, et pourrait se présenter comme le résultat d’une soirée arrosée entre Femen décidant de filmer leur sororité à l’assaut des prédateurs. Puisqu’ « on ne peut vraiment être nous qu’entre nous » les copines vont se réunir dans un appart marseillais et s’amuser entre elles avant d’interagir avec le sexe fort.
Sous le patronage d’un Almodovar première période, Noémie Merlant s’amuse à griller toutes les cartes du mauvais goût. L’idée ne manque pas d’audace : au lieu de satisfaire au cliché qui voudrait que la Thébaïde féminine se résumerait à la tendresse, le calme et la volupté, nous voila face à une jeunesse flamboyante et débridée, qui masturbe du terreau avant de se finir sur les accoudoirs du fauteuil à bascule, flatule, sectionne des phallus, avorte et squirte face cam.
Il faut aimer.
S’il s’agit d’une parodie de la masculinité beauf, l’objectif est rempli, l’expérience se révélant particulièrement désagréable. Si l’exercice de style va jusqu’à volontairement mal filmer (notamment des séquences aléatoires où la caméra tremble sans aucune explication), mal monter, mal jouer (étrange sentiment de voir un film doublé tant les voix sont outrées et factices), alors bravo, mission accomplie, voilà un film qui pourra être montré dans les écoles de cinéma.
La pseudo intrigue, qui catalogue à peu près tout ce dont peut être victime une femme (pervers esseulés derrière leur ordi, mari abusif, beau gosse prédateur, mari violent), ne fera pas non plus dans la dentelle, et l’on peine à comprendre ce que cette fable poussive, qui met les hommes au purgatoire sous forme de spectres avant d’admettre leurs forfaits, doit à Céline Sciamma.
Mais peut-être n’ai-je strictement rien compris, et me voilà à nu face à mes œillères. Damn. Même chez les cinéphiles, la peur peut changer de camp.