Même si l'on passe la majeure partie du film à rigoler, c'est une mélancolie triste à pleurer qui conclut Les femmes des autres, une étude de caractère féroce à l'efficacité redoutable. Sous ses airs de farce balourde se dissimule une satire sociale corrosive qui s'évertue à disséquer l'homme pour aboutir à la triste conclusion que réussite professionnelle ne va pas forcément de paire avec grandeur d'âme.

C'est en effet Cesarino, le faire-valoir d'un groupe d'amis superficiellement soudés, celui qui a le verbe chantant le plus chaleureux, les intentions les plus sincères bien souvent desservi par un coeur trop gros, qui remet les pendules à l'heure. Celui qui, coupé de ses supposés amis, ceux qui profitèrent de ses talents pour ajouter quelques conquêtes à un tableau de chasse qu'ils ne pouvaient garnir seuls, a réussi à se construire une vie qui se joue des normes puisqu'à son image, mais néanmoins équilibrée, sans non dit. Le pauvre bougre, piégé par sa bonhommie, se laisse embarquer pour des retrouvailles avec une poignée de parasites suçant ses talents qu'ils jalousent secrètement. Il faut dire que le brave Cesarino est un homme magnétique. Homme, acteur (Walter Chiari impérial) de toutes les scènes, il inspire une sympathie immédiate et permet à Damniani d'instaurer une bonne humeur farceuse à l'écran.

Un voile d'apparence qu'il va briser sauvagement dans un dernier temps radical : les retrouvailles du meneur sincère et sa bande de faux-jetons avec Lara dite Le laron ôte toute envie de rigoler. Les rires forcés s'estompent, les masques tombent, la réalité reprend ses droits.

Cesarino, fidèle à lui même, se jette la tête la première dans un mur trop haut pour lui pendant que ses supposés amis se délectent de le voir enfin souffrir.

Damiani, qui signera quelques années plus tard des polizieschi bien noirs et sans concession (Un uomo in ginocchio, Perché si uccide un magistrato?, Nous sommes tous en liberté provisoire et surtout Confession d'un commissaire de police au procureur de la République), rappelle qu'il est aux commandes et que la rigolade, ça va bien un moment. De quoi continuer de nourrir ma sympathie à son égard. C'est triste que ses films ne soient pas mieux distribués en France, il mérite bien plus de considération. Du coup, profitez que Les femmes des autres soit édité dans la collection SND pour découvrir le bonhomme (au même titre que Confession d'un commissaire de police au procureur de la République qui est également un must have) ;)

oso
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le 19 févr. 2018

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oso

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