Husbands
Réalisateur encore trop méconnu dans nos contrées, Damiano Damiani est avant tout célèbre pour ses œuvres politico-sociales et ses westerns comme El Chuncho. En ressortant Les femmes des autres, l'un...
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Réalisateur encore trop méconnu dans nos contrées, Damiano Damiani est avant tout célèbre pour ses œuvres politico-sociales et ses westerns comme El Chuncho. En ressortant Les femmes des autres, l'un de ses premiers films ainsi que l'un de ses meilleurs, Les Acacias Distribution nous permettent de découvrir une facette surprenante de sa filmographie,
Longtemps ignorée par la cinéphilie, et encore peu éditée en France, l'œuvre de Damiano Damiani est enfin mise à l'honneur ! Et de bien belle manière avec cette ressortie au cinéma des Femmes des autres (La rimpatriata qui signifie littéralement La réunion), qui faisait justement l'ouverture de la rétrospective consacrée au cinéaste italien en ce mois de mai à la Cinémathèque Française.
Lorsqu'on évoque le nom de Damiani, on songe évidemment à l'engagement politique à gauche toute, symbolisé par l'extraordinaire El Chuncho en 1966, qui amorçait les débuts du genre du western Zapata. Ainsi qu'à une dénonciation de la corruption et des collusions entre Mafia et politique, marquée par Confessions d'un commissaire de police au procureur de la république en 1971 ou la série TV à succès La piovra en 1984. Des réalisations en phase avec leur temps puisqu'elles s'inspiraient directement des soubresauts des Années de plomb, qui s'étalent de la fin des années 1960 à la fin des années 1970. En somme un cinéma marqué par une tension, une paranoïa voire une peur permanente.
Toutefois, la carrière de Damiani s'avère plus protéiforme qu'attendue avec par exemple Les femmes des autres, sorti en 1963, et qui se rapproche plutôt du courant de la comédie italienne. A l'instar du Husbands (1970) de John Cassavetes, on y assiste à la réunion d'anciens copains, vieux garçons ou subissant un mariage morne, s'étant perdus de vue, et qui le temps d'une soirée de beuverie et de drague tentent de retrouver le temps passé et définitivement perdu... Même si l'on rit souvent de leurs mésaventures, le propos de Damiani est déjà grave et cru, comme en atteste une interdiction aux moins de 18 ans lors de sa sortie en Italie. Il faut dire que les femmes, vues comme de vulgaires objets, et la morale italienne sont ici bousculés par une bande de copains inconséquents et impuissants qui nous rappellent Les vitelloni de Fellini, ces fameux « inutiles » qui sont ici arrangés à une sauce milanaise bien amère. Le tout souligné par la mélancolique et fataliste musique de Roberto Nicolosi.
IL BOOM OU LE MIRAGE ÉCONOMIQUE
Dès le générique, et comme souvent dans la comédie à l'italienne, les traces du « Boom » des années 1960, appelé aussi « le miracle économique », sont visibles avec ses innombrables constructions d'immeubles et de gratte-ciel. Une façon de montrer que pendant que les tours s'élèvent, une bonne partie de la population, elle, reste tout en bas. Même Sandrino alias « Mr. Chantier », joué par Riccardo Garrone, malgré son statut de promoteur immobilier, vit au-dessus de ses moyens et prévient que la fin est proche... La révélation du film, Walter Chiari, quant à elle est carrément exclue du Boom, «je suis un non-sens dans ce Milan. » dira-t-il. Romantique, dragueur enfantin et amoureux de toutes les femmes, quitte à friser la polygamie, ce Cesarino restera dans les mémoires, nous faisant passer allègrement du rire aux larmes. Ces coups de téléphone à ses anciennes conquêtes ou à une femme rencontrée dans la rue (la divine Dominique Boschero) sont à la fois hilarants et tristes comme celui où une femme finira en sanglots suite à l'évocation du bon vieux temps...
Reprenant le filon de film de copains cher au cinéma italien (Nous nous sommes tant aimés, Mes chers amis...) Damiani peut également compter sur un sacré casting. Outre Cesarino le magnifique et Sandro l'opportuniste, on retrouve le français Paul Guers en triste arriviste devant son poste de médecin à la famille de sa femme, le ténébreux Francisco Rabal lâche et nostalgique ainsi que Mino Guerrini, futur réalisateur, qui ici joue l'éternel célibataire désœuvré... Dans ce film de machos, on remarquera tout de même la très belle prestation de Leticia Roman, consacrée un an plus tôt dans La fille qui voulait savoir, qui avec sa jeunesse et son œil féminin dressera un constat accablant de l'amitié entre ces cinq hommes où manque de loyauté et lâcheté se côtoient... Mention spéciale aussi à Jacqueline Pierreux dont son personnage de prostituée viendra totalement bouleverser la dernière partie du film.
En conclusion, avec Les femmes des autres on découvre un Damiani d'ores et déjà intéressé par la question sociale mais plus proche du néo-réalisme que de ses films-dossiers postérieurs. Il s'agit d'ailleurs sans doute de l'un de ses meilleurs films et cela nous donne envie de découvrir sa filmographie en intégralité (plus de trente réalisations), en espérant que les éditeurs suivent l'hommage enfin rendu à ce cinéaste singulier et passionnant, observateur désabusé et lucide de l'Italie de son époque.
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le 23 juin 2022
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