Les feux sauvages est sans doute le film le plus radical de Jia Zhang-ke. On retrouve absolument tout son cinéma, il a tout mis : l’évolution de la Chine, le temps qui passe, Zhao Tao, le barrage des trois gorges, différentes époques qui se succèdent... et bien évidemment un mélange de documentaire et de fiction brouillant les pistes sur ce que l'on est en train de regarder...
Forcément pour un nouveau venu dans le cinéma de Jia Zhang-ke ça semblera totalement austère, voire incompréhensible : les dialogues sont inexistants sauf pour les parties plus documentaires, il n'y a pas réellement d'intrigue... et pourtant on a un film incroyable avec trois parties très différentes chacune montrant une époque et la relation entre les deux personnages principaux.
Je dois dire que j'ai une très nette préférence pour la première partie qui est quasiment uniquement composée de scènes de danse, de fête et de chant, il n'y a pas d'histoire, on n'a aucune idée de vers où veut aller le film il y a juste des gens qui dansent sur la musique autant improbable qu'entraînante. Il y a un côté expérimental dans la manière avec laquelle les séquences s'enchaînent sans ordre, où une musique succède à une autre... La deuxième partie est composée avec des chutes de son film Still Life de 2006, filmé au barrage des Trois Gorges, les rares dialogues sont indiqués avec des cartons comme dans un film muet (je suppose qu'on ne pouvait pas prévoir 19 ans plus tôt les dialogues), ça participe à donner un aspect "fragments" au film, les fragments d'une vieille histoire d'amour dont on recollerait les morceaux. La dernière partie est plus classe et se déroule à l'époque actuelle, en plein covid.
On arrivera à être surpris même si on connait déjà bien le réalisateur par ce surprenant mélange, qui arrive malgré tout grâce à son fil rouge à créer une certaine unité dans ce patchwork d'époques et d'idées.