Le dernier quart d'heure de Fiancées en folie (Seven Chances en V.O.) concentre une folie tellement démesurée qu'il légitime à lui seul, aisément, le visionnage du film dans son ensemble. On pourrait même être tenté de voir un geste volontaire dans cette platitude introductive, pendant près des trois premiers quarts, tant elle renforce par contraste l'explosion d'hystérie phénoménale dans la dernière partie.
C'est devenu une habitude avec le temps et les visionnages, mais Keaton n'aura jamais aussi bien porté son surnom de Buster tant il érige la chute en art délirant. Son implication physique dans les gags est toujours impressionnante, du niveau du clown professionnel, que ce soit pour sauter au-dessus des ravins ou en haut d'un arbre, pour se frayer un chemin à travers une foule en délire ou sous une voiture, ou encore pour dévaler une pente avec une jolie collection de rochers (en papier mâché) lancés à pleine vitesse à ses trousses.
Cette concentration de gags loufoques dans le dernier segment tendrait presque à faire oublier les raisons de sa course éperdue à travers la ville, voire l'enjeu principal du film, à savoir la nécessité de se marier avant 19 heures pour assurer un héritage conséquent. Le titre original fait référence à ses premières tentatives, après que sa dulcinée de référence ait refusé sa proposition formulée de manière particulièrement malhabile, auprès de sept femmes qu'il demande successivement en mariage de manière aussi maladroite qu'impromptue. Je retiendrai notamment la demande écrite lancée à l'étage supérieur qui retombe quelques secondes plus tard en confettis, ou encore la révélation quant à la dernière femme qui s'avère être une enfant déguisée. C'est la partie quelque peu classique de la comédie des années 20, avec des gags relativement attendus, même s'ils sont tous très bien exécutés.
Puis vient la marée humaine de prétendantes, suite à la mise en place des grands moyens avec la parution d'une annonce dans un journal : à partir de ce moment-là, le film part en vrille et ne s'arrêtera plus. La logique du crescendo voit cette foule féminine piétiner des joueurs de football américain sur leur propre terrain, démonter un mur en briques en cours de construction pour s'armer de projectiles, parcourir les rues de la ville et effrayer toutes les âmes des alentours dans de fabuleux travellings, d'une maîtrise étonnante pour l'époque. Époque d'ailleurs marquée par quelques irruptions de racisme aussi évident qu'inscrit dans les mœurs d'alors, envers les Noirs et les Juifs, mais rien de particulièrement virulent au point de susciter une colère anachronique.
On préfère très clairement garder en tête l'avalanche constante de trouvailles, visuelles et physiques, poétiques et surréalistes, constitutives du cinéma de Buster Keaton.
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