"Il est étonnant de voir ce que le monde devient sans les voix des enfants"
Les Fils de l'Homme c'est un des mystères du box-office. Comment un film de cette trempe a t-il pu faire aussi peu d'entrées au cinéma ? Je ne comprendrai jamais.
Dans un futur proche, l'humanité est lentement entrain de s'éteindre car elle n'arrive plus à se reproduire, devenue stérile. Le monde, confronté à sa fin imminente, sombre peu à peu dans l'anarchie. Dans ce contexte, une jeune ado prostituée et sans papiers tombe enceinte et devient l'objet de toutes les convoitises.
Malgré un budget plutôt raisonnable voire presque serré de 76 millions de dollars, Alfonso Cuaron nous en met plein la gueule. A commencer par une excellente distribution réunissant un Clive Owen en grande forme ainsi que Julian Moore et Michael Caine, génial en vieux hippie cultivateur de ganja, idéaliste et ravagé. Cuaron signe là une réalisation parfaite couplée à une utilisation intelligente et pas écœurante (pour une fois) des effets spéciaux et du son stéréo. Et surtout, surtout, deux des plans-séquence les plus hallucinants de l'histoire du cinéma (et je pèse mes mots). La scène de l'embuscade dans la forêt et celle de guérilla dans le centre de réfugiés sont des modèles du genre. On se surprendra presque à baisser la tête pour éviter les balles. Immersion totale dans le film.
Ca ne s'arrête pas là et il faut visionner le film plusieurs fois pour se rendre compte du souci du détail et de la cohérence dont a fait preuve le réalisateur. L'histoire se situe en 2027, donc dans un futur proche, et on imagine bien que si l'humanité venait à s'éteindre elle se mettrait à stagner voire régresser à tous les niveaux, sociaux, culturels, technologiques. Dans Les Fils de l'Homme donc, point de voitures volantes ou de téléportation car le progrès technique s'est arrêté net pour céder progressivement la place à l'anarchie la plus totale, désespoir oblige. On voit le personnage principal porter un t-shirt des JO de Londres 2012, comme on en verrait dans la réalité porter le maillot de Zidane de la Coupe du Monde 98. D'autre part, les références culturelles renvoyant à une civilisation presque disparue sont légion, comme par exemple ce cochon gonflable géant qui flotte au dessus d'une usine comme sur la pochette de l'album Animals de Pink Floyd.
Ajoutez à ça une bande originale où on retrouve des artistes aussi variés que Deep Purple, Radiohead, Roots Manuva, The Kills ou encore Aphex Twin et vous aurez la recette pour un film parfaitement réussi mais qui, chose incompréhensible, a fait un bide total au cinéma et ce, malgré une flopée de distinctions et autres prix remportés lors de festivals divers.
Trop terre-à-terre peu être, pas assez clinquant pour Hollywood, on retrouve cette ambiance grise, pluvieuse et déprimante qui sert de décors bon nombre de productions anglaises. Peu importe, la critique ne s'y est pas trompée et on attend avec impatience le prochain film de Cuaron, Gravity, qui sort à la rentrée 2013.