Comme œuvre testament, Powidoki cristallise toutes les thématiques chères au cinéaste polonais, en particulier la relation conflictuelle entre art et politique : Wladyslaw Strzeminski apparaît tel un avatar d’Andrzej Wajda, puisqu’ils se sont opposés au réalisme socialiste, prônant la liberté et l’autotélisme de l’œuvre artistique. Nul hasard si nous assistions au crépuscule de son existence, qui permet d’articuler deux temporalités significatives : la décrépitude du corps, correspondant au présent, et l’installation à la tête de la Pologne d’un régime communiste, que Wajda a subie alors qu’il étudiait aux Beaux-Arts de Cracovie.
La surprise vient de la forme de facture classique, signe d’un refus de tout surenchérissement sur un peintre qui se suffit à lui-même et que le scénario regarde davantage comme un individu aux prises avec un système néfaste ; Strzeminski est raccordé à ses statuts de père défaillant, d’époux absent et de professeur adoré de ses étudiants, dans une confusion progressive – un plan montre le départ des élèves venus au domicile du peintre lorsque sa fille rentre, une valise à la main – et un resserrement des espaces synonymes de toxicité ambiante. L’essentiel, selon le long métrage, consiste à sauver l’œuvre de la destruction pour la préserver de l’oubli : la mère demeure par le prisme des sculptures réalisées, que la fille rapporte de l’appartement maternel, et Strzeminski confie ses dernières productions à une étudiante désireuse de rejoindre le Moyen-Orient.
Il y a, chez Wajda, une peur de l’oubli et une haine du totalitarisme que ses films, comme l’art en général, combattent de l’intérieur pour mieux célébrer, par la métaphore des fleurs bleues, la beauté des yeux de l’enfant.