Ritt raté

Dans la partie immergée de la filmographie de Martin Ritt, on retrouve ce film de mafieux italiens relativement peu connu pourtant sorti après une série de longs-métrages réputés ayant fait de lui un acteur réalisateur de confiance à Hollywood — notamment les films avec Paul Newman comme "Hud" (1962), "Hombre" (1967) ou encore "The Long, Hot Summer" (1958). La particularité étant que le cadre et l'intrigue de "The Brotherhood" (1968) préfigurent fortement et étrangement ceux du monument de Coppola, "Le Parrain", qui ne sortira que 4 ans plus tard en 1972. Mais même détaché de cette comparaison quelque peu écrasante, on ne peut pas dire que le film de Ritt brille par sa perspicacité ou son efficacité.

Pourtant les arguments sont là : un contexte de gangsters italo-américains avec des affaires louches qui se trament en arrière-plan de New York, le paysage de la Sicile comme toile de fond familiale (d'où partira le flashback après une courte introduction mystérieuse), un trio d'acteurs-actrices plus que compétents (Kirk Douglas, Alex Cord, Irene Papas)... Mais bizarrement, tous ces ingrédients ne prendront pas ensemble et laisseront "Les Frères siciliens" prisonnier de son ambiance de téléfilm de luxe. À mon sens, sans doute qu'au-delà de la mise en scène particulièrement pataude et conventionnelle (on peine à voir le futur réalisateur du génial "The Molly Maguires" deux ans plus tard), c'est l'interprétation de Douglas qui peine à convaincre et qui paralyse l'ensemble — il fait beaucoup d'efforts, cheveux teints en noir, moustache, volubilité typiquement italienne, mais la chose ne prend pas, on reste bloqué à cet accent artificiel qui ne lui sied pas du tout.

On restera à ce titre toujours très éloigné du lyrisme et du sens de la tragédie familiale du "Parrain", l'empire criminel familial dépeint ici restant relativement inoffensif, fade, et rigidifié par son atmosphère 60s désuète. Et pourtant, c'est le cœur des enjeux, c'est ce qui est censé structurer tout le récit et conférer aux séquences initiale et finale toute leur force dramatique — une relation fraternelle tragique.