Quatrième giallo réalisé par Argento, cette nouvelle histoire prend une nouvelle fois son origine dans un rêve du réalisateur. Pour le coucher sur papier, le transalpin s’adjoint les services de Bernardino Zapponi déjà connu pour ses scénarios avec Federico Fellini ("Satyricon" ou "Fellini Roma"). LES FRISSONS DE L'ANGOISSE marque également un tournant dans l’univers de Dario Argento et pas des moindres : il y a la découverte de la jeune comédienne Daria Nicolodi qui deviendra la compagne du cinéaste et la mère d'Asia. Elle participera largement à l’œuvre de son mari en tant qu'actrice mais aussi en tant que co-scénariste (la trilogie des Sorcières). Enfin, le fameux groupe Goblin succède à Ennio Morricone.
Dans le cinéma italien, il y a un genre fascinant connu sous le nom de giallo. Le giallo est le nom qui se réfère aux couvertures jaunes qui caractérisaient une série populaire de livres de poches à bas prix dans l'Italie, et ce dès le début des années 20. Les gialli conservent généralement sur grand écran tous les éléments policier présents dans les romans pour enfin et surtout devenir des thrillers psychologiques avec quantités généreuses de crimes sanglants et d'érotisme. Le résultat de ce mariage des genres a tendance à être vif, lyriques, certes parfois ridicule, mais toujours divertissant. Le nom qui ressort facilement à l'esprit de cette association de cauchemars imbibés de sang et de jolies italiennes est bien sûr celui de Dario Argento.
Quand les fans du cinéma de genre évoquent le travail de l'italien, ils citent souvent "Suspiria" comme son meilleur film. Si "Suspiria" est d'une beauté envoûtante, l'histoire est placée au second plan au profit de la couleur, du style et de la terreur. DEEP RED (version anglaise) ou PROFONDO ROSSO (version italienne) ne lésine quant à lui sur aucun domaine. L'enquête progresse gentiment, l'intrigue se déroule dans un rythme régulier où les corps s'empilent via plusieurs séquences virtuoses de meurtres qui n'ont rien à envier au meilleur de Hitchcock. Certaines scènes sont visuellement incroyables même si elles semblent quelquefois avoir très peu de sens, comme le célèbre plan de la poupée robotique, mais elles ont tellement tendance à être tout autant classes que cool que l'on oublie de remettre en question leur crédibilité.
Vu dans sa version longue de 126 minutes sortie en 1975, LES FRISSONS DE L'ANGOISSE est un chef d'oeuvre imparfait qui offre tous les éléments clés du Giallo. Dario Argento danse avec le public, l'emmenant là où il veut aller, à gauche, à droite, avec le point de vue du tueur, mélangeant habilement légèreté et sensations fortes. La direction d'acteurs n'est encore une fois pas le point fort des films du Maître, certains seconds rôles étant à la limite du grotesque, mais la profondeur des personnages principaux, le suspens et le déploiement final des cartes prennent encore une fois le pas sur quelques infimes maladresses. Néanmoins, entre le sanglant et l'inquiétant, PROFONDO ROSSO contient quelques petits moments de comédie : Marcus et Gianna sont engagés dans une bataille entre les sexes, dans laquelle Marcus tente de prouver que les femmes sont naturellement le sexe faible. Ces apartés sont rafraîchissants et souvent réellement amusants, emmenant pendant quelques minutes le film vers la comédie romantique. LES FRISSONS DE L'ANGOISSE ne se prend jamais totalement au sérieux comme tant de films de genre des 70's, il y a ici toujours une soupape, donnant ainsi une grande crédibilité aux scènes plus baroques que sont celles des crimes. Enfin, même si je ne suis pas fan de la musique de Goblin, certains trouvent qu'elle est envoûtante et efficace, pour ma part elle serait plutôt intrusive et bruyante, elle est audacieuse et complète le plus souvent parfaitement les séquences. Elle leur donne une puissance étonnante et vraiment unique si l'on se prête au jeu.
Oeuvre la mieux structurée de Dario Argento, ce n'est pas seulement son meilleur ou l'un de ses meilleurs films, c'est aussi un brillant et formidable thriller comme on en fait plus depuis trente ans. A voir et à revoir tant il vieillit bien.
Ha, et ai-je vraiment besoin de le préciser... Le doublage étant d'une grande médiocrité, LES FRISSONS DE L'ANGOISSSE est évidemment à voir en VOST