LES GARDIENNES (13,9) (Xavier Beauvois, FRA, 2017, 138min) :
Ce superbe drame rural chronique la vie des femmes dans les campagnes en 1915, pendant que les hommes combattent sur le front lors de la Première Guerre mondiale. Découvert avec l'émouvant Nord en 1991 puis salué avec N'oublie pas que tu vas mourir (1995) et Le Petit lieutenant (2005), le cinéaste Xavier Beauvois est définitivement reconnu par ses pairs en 2010 avec le puissant Des hommes et des dieux (récompensé par le Grand Prix à Cannes, et le César 2011 du Meilleur film). L'auteur revient trois ans après sa comédie inégale La Rançon de la gloire (2014) avec une libre adaptation du roman homonyme d'Ernest Perochon publié en 1924. Xavier Beauvois s'empare d'entrée avec sincérité de cette histoire en prenant le temps d'exposer le cadre et la situation d'Hortense, doyenne gérante du patrimoine fermier Paridier dans le Limousin, confrontée avec sa fille Solange, à la pénurie de mains d'œuvre pour les rudes travaux des champs, alors que les batailles au loin mobilisent les hommes. Pour venir en aide, la matriarche engage Francine, une jeune fille de l’assistance publique. Le réalisateur dépeint par de nombreux travellings latéraux élégants naturalistes tous les labeurs de la terre à travers les saisons. Le cinéaste livre une véritable mise en scène picturale composée comme une succession de tableaux aidée par la magnifique photographie (de la chef opérateur caroline Champetier) dont le format 35mm donne toute sa splendeur aux séquences extérieures. Xavier Beauvois décline un sobre récit authentique, un hommage au courage des femmes par le biais d'une lente narration contemplative qui à force de creuser le même sillon devient bien trop longue. Des scènes répétitives rythmées de façon linéaire de 1915 à 1922, par les retours des hommes en permissions, les saisons, les tâches de la ferme, avant qu'un "rebondissement" utérin apporte plus de densité à l'intrigue où l'histoire intime est soigneusement mise en retrait de l'horreur de la guerre. Le conflit ne se vit qu'insidieusement par bribes, à travers des échanges de lettres, de peurs de mauvaises nouvelles où dans un terrible cauchemar d'un des fils revenu à la ferme (faisant écho à la séquence d'ouverture) et l'arrivée des soldats américains. L'auteur profite de cette fresque pour dresser le portrait de l'émancipation féminine et de la mécanisation comme pour témoigner d'un changement de traditions ancestrales vers une modernité et une évolution des mentalités. Le réalisateur représente ses femmes fortes par l'admirable Nathalie Baye (métamorphosée capillairement parlant) assez convaincante dans le rôle de la paysanne, de Laura Smet au jeu trop propre pas toujours crédible et de la révélation Iris Bry dont le visage prend particulièrement bien la lumière augurant de son affranchissement. Un casting plutôt réussi malgré une tendance générale à trop intérioriser leur jeu, ce qui met le spectateur trop à distance de l'émotion, hormis deux séquences poignantes et malgré la splendide partition musicale lyrique du célèbre compositeur Michel Legrand qui accompagne la mise en image très soignée. Venez découvrir. Venez découvrir cette peinture paysanne inédite à travers les destins de ces femmes devenues le temps de la guerre Les Gardiennes. Classique. Esthétique. Touchant.