Un paradoxe malheureux sous-tend Les Gardiennes : comment peut-on représenter de telles travailleuses, contraintes de remplacer le père, le mari et le fils aux champs et dans les tâches quotidiennes, avec une telle léthargie formelle ? Voilà un film figé qui confond le contemplatif et le statique, force ses actrices et ses acteurs à réciter des textes trop écrits et mal écrits : un réquisitoire contre la guerre, un plaidoyer pour la réconciliation entre deux peuples similaires, une lettre que l’on lit péniblement en voix off… Tout cela est d’une lourdeur sans nom, chargé d’illusions rétrospectives et d’un moralisme à peine déguisé. Il n’y a rien à vivre, rien à ressentir, sinon la photographie signée Caroline Champetier rappelant, par instants, les grands tableaux champêtres des siècles passés, et un soin apporté aux décors (Yann Mégard). Les comédiens souffrent de coiffes trop lourdes, de vêtements trop serrés, de rides fausses et de cheveux blanchis en studio. La reconstitution, nous ne voyons que ça. Le pire étant la partition musicale signée Michel Legrand, en décalage total avec les images et les séquences qu’elle doit habiller. En voulant rendre hommage aux femmes pendant la Première Guerre mondiale, Xavier Beauvois nous assomme, semble reproduire la recette de son précédent succès, Des Hommes et des dieux, sans se rendre compte que son sujet a entre-temps changé.