Natalie, Francis, que vous dire ?

Jamais aucun personnage féminin ne m'avait auparavant touché au point de continuer à vivre en moi les jours suivants, comme une femme de chair et d'os que j'aurais un jour rencontrée.

Cette créature que vous avez crée ensemble est chargée d'une telle réalité, douée d'une telle capacité à rendre sa mélancolie poignante et universelle d'un simple regard ou d'un hochement de tête, qu'elle tends à une sorte bien particulière de sublime, celui de la retranscription si fidèle qu'elle préfère être miroir grossissant de la réalité factuelle plutôt que simple témoin, faisant ainsi apparaître par le biais de la plus grande simplicité un amas chaotique de questions sans réponse, d'inquiétudes matinales et de doutes éternels.

Si l'on se penche sur la question, on constate aisément que rien n'est plus difficile à mettre en scène que l'introspection, du moins si l'on désire que cette introspection soit, sinon crédible, au moins émouvante : à trop intérioriser, on devient hermétique. A abuser d'effets et de symboles, on devient ridicule. Le jute milieu que vous trouvez ici tiens du tour de force.

Les hommes de la pluie, quant à eux, vivent suspendus entre position de faire-valoir et représentation physique, humaine, des névroses de la protagoniste. Natalie, à travers ces deux hommes que tout oppose, se retrouve a affronter ses antagonismes, à sonder la profondeur de son égo, à chercher à savoir ce dont elle est capable.
Avec Caan, elle est successivement confrontée à sa naîveté et à sa cruauté, dans un jeu troublant de montagnes russes émotionnelles, inverse total mais néanmoins attachant de la liberté qu'elle recherchait. Partie pour fuir ses responsabilités, la voilà plus que jamais responsable, car confrontée dans sa faiblesse et sa confusion à un individu encore plus triste et confus. Avec Bob Duvall, elle pense d'abord trouver l'évasion qu'elle recherchait : l'homme apparaît comme rieur, aguicheur, décomplexé. Elle n'y trouvera que plus de confusion. Natalie, qui voulait fuir sa grossesse et ce qu'elle implique, passe sa fuite à materner.

La puissance émotionnelle de cette course impossible, l'étude des torpeurs de l'égo qui y est faite, le contre manichéisme total dont elle témoigne, la profondeur psychologique de chaque personnage, sont autant d'éléments menant à l'identification totale. Ici, tout le monde à tort. Ici, tout le monde est perdu.
Tout le monde fonds à la première larme. Rien n'est jamais résolu.

Alors on s'y sent chez soi, et tout va bien. Parce que le film nous parle comme on se parle à soi même quand on s'engueule ou qu'on doute très fort, parce qu'il pousse le regard à se retenir de juger et s'abstiens de toute morale, parce qu'il dit que les langueurs égoistes et les peurs qui en naissent sont universelles, et qu'en parler reviens a émouvoir la bête tapie, celle qu'on évite généralement de sortir parce qu'elle pue, mais qu'on amène promener ce jour là.

Sur le chemin, on se surprends même à la trouver belle.
-Absalon
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le 11 mars 2014

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-Absalon

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