Sorti en 1978, Les Guêpes sont là (Bambaru Avith) est un film peu connu du réalisateur sri lankais Dharmasena Pathiraja. Une romance cruelle qui se double d’une fable politique. Une rareté, magnifiquement restaurée qu’il ne faut pas manquer. (Chez Carlotta).
Un western à l’indienne
A certains égards, Les Guêpes sont là s’apparente à un western. Le petit village de Kalpitiya, rythmé par la pêche traditionnelle, se retrouve perturbé par l’arrivée de Victor, un jeune homme de la ville venu reprendre le négoce de son père. Victor qui entend bien relancer le business s’avère dur en affaires avec les villageois. Fort d’un capital déjà acquis et de méthodes de vente libérales, il se heurte bientôt à Anton, un chef peu commode qui s’est octroyé le monopole du rachat des poissons. Mais la tension avec les villageois monte d’un cran quand Victor entreprend de séduire la belle Helen, promise depuis l’enfance à Cyril, un homme du village. Une histoire d’amour impossible sous un soleil de plomb qui rappelle quelque pièce tragique de Garcia Lorca mais avec les codes du cinéma populaire indien.
Une problématique plus complexe qu’il n’y parait
Victor, beau gosse coiffé et vêtu comme à la ville, contraste avec les petites gens du village dont il est pourtant originaire. Si les premières scènes laissent supposer qu’il sera le héros, opposé à cette brute apparente qu’est Anton, la suite du scénario s’attache à déconstruire cette représentation. Certes, Victor et Anton ont en commun d’appartenir à la catégorie des prédateurs, les fameuses guêpes du film, mais leur confrontation, loin de se réduire à un duel de fortes têtes, se charge en fait d’une dimension plus sociale. En effet, Victor dans cette histoire est le prédateur ultime. Celui à qui rien ne résiste et qui va faire peu de cas des dégâts occasionnés par ses choix commerciaux ou sentimentaux. Au contraire d’Anton – excellent Joe Abeywickrama, qui derrière sa façade grossière se révèle plus fin et généreux qu’on ne l’imaginait.
Mélange de styles
Sur le fond, le film est assez moderne pour l’époque avec ses passages écolo-libertaires inspirés des années 70. Sur la forme, la restauration offre au spectateur une expérience sensitive atypique. Ainsi, la photographie en noir et blanc s’accorde parfaitement aux plages immaculées saturées de soleil ou aux nuits agitées du village. On pense notamment à des réalisateurs comme Cacoyannis ou Pasolini. D’un autre côté, l’aspect visuel n’est pas sans rappeler les tout premiers documentaires, des débuts du cinéma. Les scènes de pêche par exemple sont filmées avec ce même souci de réalisme presque naïf. Quant à la bande son, elle aussi restaurée, elle contribue à recréer l’ambiance de ce village du bout du monde, bercé de nuit comme de jour par le bruit des vagues. A découvrir.
7.5/10 <3
Critique parue sur le MagduCiné