Les charmes indicibles du WTF
3ème Festival Sens Critique, 13/16
Une nouvelle ville des années 60 qui se serait arrêtée en plein essor, et se limite à sa rue principale qui fait dès lors figure de décor de western. Autour, un terrain vague, et à côté, une forêt aux troncs trop parallèles pour inspirer une quelconque errance romantique.
Dans ce décor que ne renierait pas Tati, et où tout le monde s’observe par les grandes baies vitrées, on cherche à vivre, c’est-à-dire surtout à épancher ses désirs. Mais rien ne fonctionne, madame ne veut pas de son mari boucher priapique, ou monsieur est frigide car stérile face aux assauts de son épouse en manque de maternité.
Au cœur de cette grande mécanique détraquée, le facteur passe son temps à ouvrir les lettres et infléchit, le plus souvent pour le pire, le destin des habitants.
L’absurde qui s’accroit nous mène dès lors sur les terres du tandem Caro/Jeunet, avec un sens pour un comique teinté de grotesque. L’abstinente devient une sainte auquel toute rue voue un culte, un noir ramené en cage s’échappe et aveugle le garde chasse qui continuera pourtant son travail, un fusil à la main, les statues prennent vie et une vagabonde, sorte de nymphe des bois, vient initier au sexe un jeune garçon dont l’obsession première est de se déguiser en Lumumba.
Drôle et étrange, insolite et un peu dérangeant, Les Habitants conduit par à-coups sa petite communauté vers le pire, dans une esthétique proprette et inquiétante. La rue et le confort des 60’s sont une habile façade aux instincts primaires des hommes, qui revivent inlassablement les mêmes mythes, en mal de sexe, et de foi, de père et des autres.
Fable insolite assez branque, un film comme seul les hollandais savent en faire.