Ce n’est pas la première fois que l'œuvre littéraire d'Emily Brontë se retrouve revisitée sur le grand écran. Cette fois ci, non sans audace, c’est donc au tour d’Andrea Arnold de tenter sa chance avec une nouvelle adaptation cinématographique qui s’avère toute personnelle mais à la puissance sensitive saisissante. Sachant qu’il est difficile d’adapter littéralement la profondeur de l’œuvre originale, la jeune réalisatrice décide alors d’immiscer cette dramaturgie dans des contrées singulières mêlant détachement historique et contemplation onirique en prenant soin d’avoir des partis pris sur ses personnages et sa narration aux ellipses plus qu’éclatées. Se dévoile devant nos yeux une épure totale confrontant du mieux possible les discordances du corps, où l’âme ne fera qu’un avec l’environnement.

Alors que la plupart des réalisateurs tombent souvent dans le piège de la réadaptation trop référentielle à l’image de Michel Gondry avec L'écume des jours, calquant alors sa mise en image à sa construction dialoguiste, Andrea Arnold propose d’immerger son histoire dans l’intime, prenant le visage d’une introspection naturaliste qui se réapproprie donc le récit. De ce fait, apparait alors un voyage sensoriel faisant exploser au grand jour les sentiments à fleur de peau de ses deux amoureux impossibles où cet amour naissant se dessine comme être la seule échappatoire du marasme de cette chienne de vie. Par moments, on se met à penser à Terrence Malick mais avec une radicalité beaucoup plus âpre.

Pendant que des longs métrages tels que Jane Eyre de Fukunaga ou Bright Star de Jane Campion utilisent une mise en scène feutrée mais se confondant dans un académisme d’époque, Andrea Arnold se détache de tout formalisme, de toutes ses fanfreluches outrancières. Ces «Hauts du Hurlevent » ne sont pas un énième film médiéval avec ces beaux costumes taillés sur mesure et ces sentiments à l'eau de rose contemplant ces faux regards lancinants. Sous l’égide de cette histoire d'amour entre Catherine et Heathcliff, Andrea Arnold s'empresse de capturer l’espace pour en faire un personnage primordial, dont la vétusté fait ressortir toute cette passion amoureuse presque solitaire.

Cette histoire d'amour universelle prend des allures de poèmes personnels où la brutalité du romantisme prend le pas sur la naïveté de la passion. Il y a quelques choses de Philippe Grandrieux dans ces Hauts du Hurlevent. La caméra se déplace au gré du vent, filmé au format 1:33 avec ses cadres divergents, l’homme s’engouffre dans la nature et inversement. Sublimé par un excellent travail sur le son et la lumière, le film effleure les émotions sensitives en glorifiant une nature, où le langage naturaliste parle. On sent le vent souffler sur les hautes herbes, on touche cette pluie glaçante, on s'isole dans ces plaines brumeuses, on entend ses cœurs battre la chamade pour l’être aimé, ses mots acres qui résonnent comme étant définitifs, ses sentiments sur la brèche qui ne demandent qu'à s’élever.
Velvetman
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 17 déc. 2014

Critique lue 1.7K fois

23 j'aime

3 commentaires

Velvetman

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

23
3

D'autres avis sur Les Hauts de Hurlevent

Les Hauts de Hurlevent
Rawi
8

Critique de Les Hauts de Hurlevent par Rawi

Pour cette énième adaptation du chef d'oeuvre d'Emily Brontë, Andrea Arnold fait le choix de s'éloigner du matériau d'origine et de fuir tout académisme. Bien lui en a pris car dans ce film sauvage,...

Par

le 24 avr. 2013

27 j'aime

2

Les Hauts de Hurlevent
Velvetman
8

Les Hauts du Hurlevent

Ce n’est pas la première fois que l'œuvre littéraire d'Emily Brontë se retrouve revisitée sur le grand écran. Cette fois ci, non sans audace, c’est donc au tour d’Andrea Arnold de tenter sa chance...

le 17 déc. 2014

23 j'aime

3

Les Hauts de Hurlevent
Moizi
9

Totalement inattendu

Des Hauts de Hurlevent je ne connaissais que l'adaptation pas dégueu de Rivette, je n'ai jamais lu le bouquin ou vu quoique ce soit d'autre sur cette histoire. J'avais donc juste une vague idée de...

le 1 juin 2024

19 j'aime

6

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21