Les projets lancés de concert sur un sujet identique, Hollywood connaît plutôt bien. Au point que même la France s'y est mise, c'est dire.
Churchill, le faux biopic sympathique avec un bluffant Brian Cox, avait ainsi ouvert la voie, mettant en scène un premier ministre anglais en proie au doute, durant les préparatifs du D Day. Le masqué, à la sortie des Heures Sombres, il avait envie de donner libre cours à sa feignantise légendaire et de reprendre sa critique précédente telle quelle, histoire de faire illusion et de s'économiser..
Il a failli le faire, l'animal, tant le point de vue porté sur l'homme est similaire dans ses doutes, dans son isolement, sur son aspect truculent, irascible et borné. Même épouse aussi, qui remplit la même fonction. Même secrétaire, sauf qu'il s'agit de la très mignonne Lily James, même vecteur d'une sub plot avec un être cher au front.
Il y aura aussi, comme dans Le Discours d'un Roi, cette fonction similaire de la prise de parole et des mots qui, dans la bouche de Churchill, sont autant de balles crachées du canon d'un fusil semi-automatique.
Mais la période est différente, tout comme les aspirations du personnage. Cette fois-ci, on suit l'homme juste avant le lancement de l'opération Dynamo, dans un écho étrange au tic-tac Nolanien et suffocant de Dunkerque. Cette fois-ci, il n'hésiterait pas à sacrifier des hommes pour en sauver plus encore. Et surtout, Joe Wright substitue au crépusculaire de Churchill son art de l'enfermement, presque claustro dans ces tunnels où le premier ministre a installé son cabinet de guerre. Le réalisateur l'isole encore plus en l'installant dans un véritable film basé sur les affrontements : contre lui-même et son penchant pour le doute. Contre ses adversaires politiques ensuite, tout autant.
Joe Wright évite même l'aspect classique et engoncé des reconstitutions historiques habituelles, en y insufflant un véritable rythme, en composant sur superbe photographie parfois baignée de lumières magnifiques, en insistant juste ce qu'il faut sur le Churchill badin et plus fin qu'il n'y paraît. De ce point de vue, la réussite est totale, et il y a vraiment peu à reprocher, si l'on s'en tient là, aux Heures Sombres.
Sauf que quelques éléments, mis bout à bout, viendront perturber peu à peu ce ressenti flatteur. Gary Oldman en premier lieu. Non, le masqué n'ira pas jusqu'à dire qu'il joue comme une planche à repasser, bien au contraire. Mais il s'illustre dans une performance beaucoup trop attendue, tant elle est calibrée afin de faire ramasser un Oscar ou un au moins un Golden Globe à son acteur. Le tout dans une formule gagnante du personnage historique et de l'acting sous une montagne de prosthétique qui annule le risque pris en choisissant un comédien que l'on n'attendait pas. Au point de ne plus savoir à qui attribuer les lauriers, entre l'acteur ou l'équipe maquillage et effets spéciaux physiques. Brian Cox était-il à ce titre moins bon dans le rôle ? La question mérite d'être posée.
Deuxième coup de moins bien, c'est cette scène de métro, qui constitue non pas un ventre mou dans le récit, mais un moment qui frôle le hors sujet et dont la vraisemblance pourrait être légitimement remise en question. Car à l'issue de cette rencontre avec le peuple et de ce discours fédérateur, on s'attendrait presque à entendre un "Pour Frodon", un "Pour la gloire de Sparte" ou encore un "Ha Hou" furieux...
Une telle maladresse pourra laisser circonspect. Tout comme se surprendre à penser, alors que Les Heures Sombres, c'était quand même bien, que le film ultime sur un tel personnage, embrassant l'intégralité de cette période guerrière à nulle autre pareille, reste peut être à faire.
Drôle de constat alors que le masqué ne regrette pas son dernier ticket de l'amicale de sa boîte...
Behind_the_Mask, V pour Va t'faire foutre.