Cicéron! Cicéron! Ce n'est pas un hasard si Churchill se réfère sans cesse au plus grand des orateurs romains: lui-même adore s'écouter discourir. À l'aube du plus grand conflit de l'histoire de l'humanité, un homme seul se dresse face à la tyrannie: Winston Churchill. Gary Oldman revêt le haut de forme et le cigare, le tout pour l'Histoire. Ou l'Oscar?
Classique dans sa forme et sa maîtrise, Les heures sombres ne s'éloignent guère des précédents films offerts au public ces dernier temps. Que cela soit Le discours d'un roi ou Dunkerque, l'accent est mis sur le courage et les mots face à l'adversité. Joe Wright signe ici une mise en scène sobre qui dessert avant tout les protagonistes. Peu de prise de risque donc et un arrangement avec l'Histoire qui devient monnaie courante: Churchill n'a jamais été, du moins au début de son mandat, mis en danger par ses adversaires ou désavoué par le Roi. On crée un drame pour mieux faire causer le bonhomme.
Et il cause Winston, il cause! Il sait que les mots sont une arme. Pendant deux heures, on contemple un Churchill amoureux du langage et de la prose, sublimé dans sa grandeur et ses bassesses par Gary Oldman. L'homme derrière la légende, avec ses failles, ses idées ridicules et une monstrueuse faim patriotique. Churchill a-t-il vraiment hésité a négocier avec Hitler? J'en doute. Mais ces tractations factices ou réelles nous dévoilent un grand homme. Et un grand acteur. Un rôle à Oscar? Parfaitement. Mais un Oscar mérité tant Mr Oldman est crédible, hanté, habité par le vieux lion.
Le vieux lion est passionnant deux-tiers durant et tergiverse une bonne demi-heure ce qui étire le film et ennuie quelque peu le spectateur. Car on sait tous ce que Winston va dire et comment il va le dire. Mais l'entendre à nouveau, c'est frissonner de hardiesse. Il écrase tout sur son passage, les conventions et les politiques, n'écoute que lui et laisse peu de place à sa femme (Kristin Scott-Thomas) ou encore à son assistante (Lily James). Ben Mendelssohn, en la personne du Roi Georges VI, tire admirablement bien son épingle du jeu et règne beaucoup mieux qu'un certain Colin Firfth.
Il serait dommage de se priver des tirades de Gary Oldman. On peut méprendre l'oeuvre mais incontestablement admiré l'homme. Le comédien. Le grand Winston Churchill.