Quelques films font entendre parler d’eux en ce début d’année 2018. Il y a Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance, mais aussi Les Heures Sombres, biopic racontant les premières semaines de Winston Churchill au poste de Premier Ministre du Royaume-Uni. A la tête du casting, un Gary Oldman méconnaissable, première attraction du film de Joe Wright, avec à la clé un Golden Globe du meilleur acteur. Voilà, en somme, un film qui s’annonce plein de promesses. Parvient-il à être à la hauteur de ces dernières ?
Chaque année apporte son lot de biopics. C’est souvent l’occasion, pour les spectateurs, de s’autoriser une petite leçon d’histoire et découvrir une vision d’une époque ou d’événements qui ont changé le monde. Nul doute que le personnage de Winston Churchill est déjà apparu à maintes reprises à la télévision et au cinéma, et le choix de Gary Oldman, excellent acteur au demeurant, imposait une transformation physique importante pour coller au physique du personnage. Le principal piège d’un tel pari est de tomber dans le syndrome de ce que l’on pourrait identifier comme étant « le rôle ambitieux créé pour l’acteur principal du film », quelque chose que l’on a pu, par exemple, constater avec The Revenant, où, malgré la très bonne prestation de Leonardo DiCaprio, il était difficile de voir quelqu’un d’autre que Leonardo DiCaprio sur l’écran.
Ici, ce n’est pas le cas. Gary Oldman s’approprie le personnage, il s’efface au profit de celui-ci, livrant une incroyable prestation, et rendant vie, le temps d’une séance, à Winston Churchill. Car ce qui permet de discerner un bon acteur d’un moins bon, c’est sa capacité à rentrer dans la peau de son personnage, et que l’on voit le personnage avant l’acteur lorsque l’on regarde le film. Gary Oldman est littéralement Winston Churchill, dans les moments solennels comme dans les moments plus gênants, en public comme dans l’intimité, dans la diction, la posture et le tempérament, c’est le portrait d’un homme de conviction, à la poigne de fer mais ayant le sens de la justice, qui se dessine devant nos yeux.
Au-delà de cette très belle prestation à propos de laquelle il semblait important d’insister, le film suit également un rythme assez haletant, permettant d’entretenir un bon suspense et de lui donner une allure assez épique. Esthétiquement, c’est également une réussite, avec un vrai sens du cadrage, des jeux de lumière et de couleurs qui permettent d’alterner les phases dans cette période sombre où la peur s’empare de l’Europe face à l’approche de l’envahisseur allemand. Le titre du film, Les Heures Sombres, retranscrit ces sentiments de terreur, de colère et d’injustice, provoquant de multiples remises en question et ébranlant les hautes strates du pouvoir britannique. Ce sont finalement la ténacité, le courage et la résilience qui constitueront la clé pour débloquer la situation et permettront de tenir tête aux nazis.
Les Heures Sombres est un biopic bien réalisé, qui immerge pendant deux heures son spectateur dans cette époque trouble et mouvementée, où les décisions de peu risquaient d’impacter durablement le destin de certains. Winston Churchill est ici présenté comme on l’imagine : un battant, un véritable personnage qui a ses idées et les assume, et qui ose ce que peu d’autres oseraient faire. Gary Oldman livre une copie parfaite, en se métamorphosant et en devenant littéralement Churchill. Il manque peut-être ce petit quelque chose qui nous ferait crier au chef d’oeuvre, mais sans chercher à faire la fine bouche, nous avons avec Les Heures Sombres une des réussites de ce début d’année.