"Les Heures Sombres" est un film qui a tout pour que je le déteste : c'est un biopic, célébrant sans vergogne les vertus exceptionnelles du peuple anglais, interprété par un (grand) acteur grimé pour ressembler le plus possible à son personnage, qui en fait des tonnes dans un rôle forcément oscarisable. Pire, le tâcheron Joe Wright se surpasse avec une mise en scène enflée et gonflante, sensée rajouter un maximum de lyrisme et de spectaculaire dans ce qui n'est a priori qu'une histoire de mots et de capacité à convaincre les autres. Bref, un bon concurrent en ce début d'année au titre de film le plus détestable du premier trimestre. Et puis, non, en fait : "les Heures Sombres" fonctionne parfaitement, traite même bien son sujet, avec un vrai respect du travail sur le langage, qu'il soit écrit (ces télégrammes, ces préparations de discours) ou parlé (les fameux discours, donc) : Gary Oldman est évidemment excellent, mais pas plus que l'ensemble du casting, impeccable, qui fait finalement honneur à la direction d'acteur de Wright (qui marque des points dans ce domaine...), et soulève l'enthousiasme du spectateur comme on imagine que Churchill enflamma la ferveur des députés et du peuple anglais en cette année 40, année de désespoir absolu où il fallut bien se résoudre à faire la guerre à l'horreur nazie. Il est finalement plus facile que je le pensais d'ignorer la laideur de la mise en scène qui ne recule devant aucune stupidité pour attirer le chaland (ah, ces plans absurdes de plongée sur les théâtres politiques ou guerriers !), ainsi que l'utilisation généralement pavlovienne de la musique (à une ou deux exceptions près où le silence béni se fait pour honorer la pensée et les mots), pour se passionner devant cette jolie leçon d'histoire et d'intelligence (politique et autre). Recommandé, donc, malgré tout ! [Critique écrite en 2018]