Cantonné aux seconds rôles depuis quelques années, Les Heures sombres répare cet infamie en plaçant Gary Oldman en tête d'affiche. Choix payant pour son réalisateur Joe Wright. L'acteur est tout simplement éblouissant en Winston Churchill tiraillé entre la volonté de résister contre la tyrannie de l'Allemagne nazie ou négocier avec cette dernière. Un film d'acteurs mais pas que. Les Heures sombres n'oublie pas de distiller une mise en scène impeccable, évitant de n'être qu'un simple film historique en course pour l'Oscar.
Le 10 mai 1940, après la démission de Neville Chamberlain, et dans un contexte européen dramatique marqué par les défaites successives des Alliés face aux troupes nazies et par l’armée britannique dans l’incapacité d’être évacuée de Dunkerque, Winston Churchill est catapulté contre toute attente Premier Ministre...
La construction d'une figure historique du XXe siècle. Voilà ce que veut montrer Les Heures sombres en suivant les premiers jours de Winston Churchill en tant que Premier Ministre. Tout le monde s'accorde à dire que l'Europe telle que nous la connaissons aujourd'hui n'aurait certainement pas vu le jour sans l'abnégation et le courage politique de cette légende britannique. Le film suit l'intimité et les affres de Winston Churchill jusqu'au lancement de l'opération Dynamo (l'évacuation des soldats encerclés à Dunkerke) et de sons discours au Parlement qui ralliera tout un pays. Pourtant, le chemin a été mouvementé pour placer l'Angleterre en tête de la résistance contre l'Allemagne nazie. Catapulté Premier Ministre par défaut, Winston Churchill est raillé par son propre parti et sa volonté de combattre sans reddition n'est pas forcément au goût des Lords et du roi Georges VI. Malgré ses hésitations, le premier Lord de l'Amirauté tiendra le cap, parvenant ainsi à rallier à sa cause ses principaux opposants grâce au pouvoir des mots.
L'ombre d'un doute
La première surprise de Les Heures sombres vient du choix du comédien principal. Qui aurait imaginé Gary Oldman interpréter l'homme politique, bedonnant, au chapeau et au cigare ? Méconnaissable, l'acteur livre une prestation saisissante en se mettant à hauteur d'homme et parvient à faire ressortir les failles d'un homme plus complexe qu'il n'y paraît et ce, malgré les couches de maquillage. Souvent féroce et abject devant ses interlocuteurs, Winston Churchill apparaît également drôle, empathique et à l'écoute mais surtout humain. Humain face aux doutes provoqués par des choix qui engendreront des sacrifices, humain face aux critiques répétées à propos d'erreurs passées, humain dans sa sincérité et dans son combat pour ne pas dévier de ses croyances. Une prestation incroyable de Gary Oldman mise en lumière par des seconds rôles de qualité (Kristin Scott Thomas en madame Churchill ou Lily James qui joue sa secrétaire) mais aussi par une mise en scène qui n'hésite pas à sortir des sentiers battus de ce genre de production. C'est la deuxième surprise. Joe Wright évite tout académisme et n'hésite pas à proposer dans Les Heure sombres des plans originaux lors de certaines séquences comme cette scène dans lequel Winston Churchill converse avec le président des Etats-Unis aux toilettes, tentant de le convaincre de participer à cette guerre. Le réalisateur joue avec habileté de la lumière et des espaces. Avec ce lieu confiné, il crée une multiplication d'images dans l'image. Une façon, peut-être, de faire transpirer à l'écran un Winston Churchill K.O et en manque de repères face au désengagement de Roosevelt. Tout comme cette lumière qui oscille péniblement dans ce lieu obscur. Peut-être la fulgurance d'un éclair d'optimisme dans ces heures sombres qui ne peuvent que s'éclaircir.
Avec un sujet souvent rabattu, Joe Wright créé pourtant la surprise avec Les Heures sombres. Visuellement bluffant, le cinéaste évite tout académisme et livre un biopic original sur Winston Churchill mais également un thriller politique en s'intéressants aux jeux de pouvoir lors des premiers jours la Seconde Guerre Mondiale. Inattendu dans ce rôle, Gary Oldman nous fait regretter de n'avoir joué que des seconds couteaux pendant quelques années. Le comédien apporte à cette légende un visage emplit d'humanité mais aussi de doute. Gary Oldman, après cette prestation, ne peut avoir que le cigare et surtout, être quasi certain de remporter l'Oscar.