Pour son septième long-métrage, le réalisateur anglais Joe Wright signe et soigne un film historique sobre, mais de grande ampleur, et dont on reparlera encore, des années durant, à n’en pas douter !
C’est pimpant, clinquant et ça résonne encore en moi. Une belle claque cinématographique pour ma part en cette année 2023.
En atteste les récompenses que reçut « Les heures sombres ». Le film glana six prix dont l’Oscar du meilleur acteur (pour Gary Oldman), celui des meilleurs maquillages ; des prix qui comptent pour ne pas faire vaciller ou tomber un film en des coins retranchés tout comme Churchill a failli… .
Pour une fois, je m’écarte de mes tranchées habituelles, je change de fusil d’épaule et je recharge ma kalachnikov. Ainsi, je ne donne pas le synopsis, je nomme juste le scénariste : Anthony McCarten, qui a écrit « Une merveilleuse histoire du temps » (avec Eddy Redmayne qui veut remonter le temps) et « Bohemian rhapsody ».
Qui dit pas de synopsis, dit scénario particulier. Et logiquement bien armé et blindé, de part en part, ...comme un char d’assaut !
Comprenez en cela, mes très spectateurs, qu’il s’agit pour « Les heures sombres » d’un contexte historique particulier qui rappellera et ravivera les souvenirs de nos parents, oncles et tantes et qui nous permettent aujourd’hui de savoir comment et pourquoi s’est formé le monde il y a seulement 70 ans ! C’était seulement hier, et pourtant, les agissements politiques d’hier ont eu des répercussions directs et des conséquences implacables sur les frontières du monde géopolitique actuel.
C’est donc dire l’implacable scénario (en béton armé donc !) qui a été écrit pour les besoins de ces « Heures sombres » et de souligner l’importance capitale d’un Homme d’Etat de ce calibre de se soumettre au pouvoir par le peuple et de la ferveur de la puissance de la démocratie face au nazisme belliqueux et belligérant hitlérien des années 1940.
Le scénariste McCarten puise dans le dogme de la démocratie pour mieux nous assaillir en des plaidoiries toutes plus assaillantes de vérité les une que les autres. Comment ne pas tomber d’accord avec tous ces discours ? Tout simplement, on ne peut pas !
Rare sont les œuvres de fiction de nous interroger sur le passé, ce que fait brillamment et intelligemment « Les heures sombres ». Merci Monsieur le réalisateur.
De par cette écriture scénaristique, on est vraiment pas loin d’un coup de maître. Tous mes chapeaux churchilliens Monsieur le scénariste.
Les premières minutes du film sonnent l’alarme et le glas de l’armada des « Heures sombres » comme Guillaume Tel et Robin des Bois ont décochés leurs flèches : un début harassant et fracassant dans les arènes du pouvoir britannique de la Seconde Guerre Mondiale.
Comment ne pas rêver mieux de la part d’un tel film ? L’intrigue nous est sommé tel un général donne ses ordres ...à ses soldats !
L’on est emballé dans les arcanes du pouvoir anglo-saxon d’une façon si prenante que l’on a l’impression que le film dure à peine une heure : et pourtant, les deux heures vingt passent allègrement bien ! Revigorant… .
C’est dire l’importance et l’ossature que prend « Les heures sombres » du début à la fin : c’est parfait et délectable à souhait. D’autant que ça coule de source …..comme dans un bain de sang ! (ironie)
Mon seul regret, c’est que j’aurai aimé voir De Gaulle dans « Les heures sombres » : la fin arrive inéluctablement. Dommage car l’on aurait pu avoir de sacré scènes entre Churchill et le Général !
Joe Wright fait aussi en sorte que le film parle des débuts hésitants de Churchill pour mieux nous plonger en l’homme qu’il était en vrai, et non sur la 2nde Guerre Mondiale en général.
Le réalisateur du thriller nerveux « Hanna » fabrique ainsi un film en forme d’exercice de style : je dis oui et nous disons tous oui pour cette page historique winstonnienne.
D’autre part, comment ne pas penser aujourd’hui au film de Christopher Nolan « Dunkerque » ? Tout simplement, on ne peut pas, et la fameuse opération Dynamo (également nommé Bataille de Dunkerque) de nous être raconté par les anglais et par le gouvernement de transition des années 1940 à leur manière.
Tout est tonitruant, s’enchaîne et se déchaîne : les incessants allers-retours entre le parlement et les diverses assemblées (chambre des lords, conseil de guerre), les joutes de Churchill avec les membres du gouvernement les plus proches, le soutien du roi Georges VI (Ben Mendelsohn -« Vertical limit », « Australia » et « Ready player one », de Spielberg, pour le cinéma, et « Bloodline » pour sa série-, tout en sobriété, il l’est !), sa femme (Kristin Scott Thomas) et sa secrétaire particulière (Lily James -si la série « Dowton abbey » la consacre, elle joue par la suite pour Branagh dans « Cendrillon », « Baby driver », « Yesterday » de Danny Boyle-, exquise).
Tout ce petit monde nous entraîne sur ce rythme implacable et enlevé soutenu par une musique churchillienne (de Dario Marianelli) et une réalisation plus que parfaite du réalisateur (également producteur délégué de « Radioactive » (de Marjane Satrapi)) soutenue par la performance d’acting de Gary Oldman, le tout en des décors -de Sarah Greenwood (si elle fait partie du début de la collaboration avec Joe Wright dès « Orgueil et préjugés », on lui doit notamment les décors du « Sherlock Holmes » de Guy Ritchie, et dernièrement ceux de « Barbie »)- toujours plus sublimes les uns que les autres, tout comme les costumes de Gary Oldman (couvre-chef, cigare, montre gousset), maniéré à nous taper dans l’œil.
Le chapitrage des « Heures sombres », présenté comme les dernières heures du premier ministre anglais et visé ainsi que son ultimatum, oscille entre la pièce de théâtre fordienne (je pense bien sûr à « La prisonnière du désert ») et le chapitrage à la Tarantino (« Les huit salopards », pour ceux qui me suivent) grâce notamment au montage de Valerio Bonelli (fidèle de la dernière heure de l’équipe du réalisateur anglais -« La femme à la fenêtre », « Cyrano »-, il a travaillé sur « Sans issue », « Philomena », « Seul sur Mars »...), de la musique du compositeur Dario Marinelli (collaborateur attitré de Joe Wright -« Orgueil et préjugés », « Reviens-moi », « Le soliste »-, il n’oublie pas de varier les plaisirs pour Winterbottom, McTeigue, Hallström, Matteo Garrone...) qui nous maintient en guerre et de la mise en scène de Joe Wright qui nous propulse comme un boulet de canon sur le prochain discours de Churchill. Boum (oratoire, bien entendu…) !
Mon interrogation : la séquence de Winston Churchill prenant le métro est elle fictive ? Dans tous les cas, jouissive à souhait, elle l’est !! Fun également. Agnus dei… pour le lion.
Les séquences oratoires sont brillamment filmées, que ce soit lorsque Churchill parle à la radio ou à ses pairs lors des scènes aux assemblées ou des rassemblements de crise du cabinet de guerre.
Parlons maintenant du starring.
Gary Oldman -« JFK », « Dracula », « Léon », « Le cinquième élément » et « Hannibal » traduisent son goût prononcé à se transformer pour ses compositions dans les 90’s, les années 2000 lui font obtenir des grands rôles dans les séries de film « Harry Potter » et « Batman » (de Christopher Nolan), et après 2010, « La taupe » (adapté de John Le Carré), « Mank » (de David Fincher)... prouvent la diversification de ses rôles !-, en une transformation physique épique (car travaillée dans les moindres détails et donc éreintante pour l’acteur) est investi comme jamais et saisissant de réalisme dans la peau de Winston Churchill, le portrait et le reflet d’un homme sur son époque par sa main de fer. Oldman retrace avec ferveur et diplomatie le chemin sinueux des premières heures de Winston Churchill au début des années 1940. Une interprétation hors pair et hors norme d’une immense figure du vingtième siècle en découle. Logique qu’il soit auréolé de l’Oscar et du Golden Globe du meilleur acteur. Longue vie à Gary ‘Churchill’ Oldman !
Avec les implacables Kristin Scott Thomas (les années 1990 la starifiant -« Quatre mariages et un enterrement », « Mission impossible », « Le patient anglais »-, elle est ensuite de tous les projets : « L’homme qui murmurait... », « Il y a longtemps que je t’aime », « Seuls two », « Partir » de Catherine Corsini, « Dans la maison » d’Ozon...), classieuse à souhait en femme du vieux lion, et Stephen Dillane (« Welcome to Sarajevo » de Winterbottom, « The hours » de Daldry, « Zero dark thirty »), ombrageux et ténébreux dans le rôle du comte d’Halifax, qui, tout en sobriété, nous amènent un Churchill humain, vivifiant et continuellement en proie au doute lors de son affrontement avec sa femme (formidable pas de deux avec Madame Oldman, ici l’excellentissime Kristin Scott Thomas).
Notons également la présence de :
- Ronald Pickup (vu dans « Jamais plus jamais », « Mission » de Joffé et « Prince of Persia 1 » notamment)(John Hurt venant de décéder, Ronald enfila le costume du premier ministre démissionnant) ;
- David Schofield (« Gladiator », la trilogie « Pirate des Caraïbes », Walkyrie ») ;
- et David Strathairn (récompensé du prix du meilleur acteur lors de la 62ème Mostra de Venise pour « Good night and good luck », il a joué avec des têtes d’affiches comme Redford, Tom Cruise, Meryl Streep, Jude Law, Day-Lewis…).
Pour ainsi dire, nous avons affaire à la crème des acteurs anglo-saxons et british (voir même américains)(!) ici rassemblés et conviés par Joe Wright.
Pour conclure, « Darkest Hour » (2018), biopic passionnant, audacieux et élégant sur le vieux lion britannique ad vitam æternam ici incarné par un Gary Oldman méconnaissable et stupéfiant de réalisme, est ce chef d’œuvre politique abrasant et historiquement important (pour la mémoire collective : nos pères tombés sur les champs de bataille) concocté par le metteur en scène Joe Wright, le spécialiste londonien de la reconstitution historique (« Orgueil et préjugés » -avec Keira Knightley-, « Reviens-moi », « Le soliste », « Anna Karenine », « Cyrano »).
Un très beau coup de maître pour une très belle réussite (scénaristique, de mise en scène…).
Spectateurs, si vous me permettez d’emprunter la fin d’un certaine fable de Jean de La Fontaine, vous pouvez être certains que « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».