Film enquête, Les hommes du président a un double intérêt : celui de revenir, à l’époque, sur l’histoire de façon contemporaine et de dévoiler les coulisses de l’affaire du Watergate ; et aujourd’hui de nous instruire sur une page de l’histoire mais surtout sur ce qu’était le journalisme d’investigation il y a quatre décennies.


Adapté du livre des deux journalistes qui mirent au jour tous les méandres de l’affaire, le récit est rivé à leur travail : si la séquence d’ouverture propose une reconstitution des faits, c’est surtout la patiente et laborieuse enquête qui intéresse Pakula. Passionnante aussi pour quiconque voudrait comprendre comment faire des recherches dans l’ère pré-internet, à grands renforts de coups de téléphones, de lectures en bibliothèque et de carnets de note.


Presque dénué de musique, à hauteur des deux journalistes, le film a une certaine austérité et ne sacrifie pas aux codes du thriller politique, comme le fait savamment le récent Spotlight : il s’agit de déterminer des choix, et de lutter contre le silence des témoins apeurés, le jeu malin des sources secrètes qui donnent des tuyaux au compte-goutte, et de convaincre sa hiérarchie qu’on tient un véritable sujet. De ce point de vue, on pourrait presque considérer le film comme un récit sportif : une lutte constante et acharnée, une leçon d’endurance dans laquelle les protagonistes campés par Dustin Hoffmann et Robert Redford, eux-mêmes particulièrement sobres, s’effacent au profit de l’émergence de la vérité nue.


Répétition des tâches comme le porte à porte où la consultation de relevés ponctuent des discussions où, brusquement, des échos se mettent en place et une tension croissante se dessine jusqu’aux sommets du pouvoir. Mais là aussi, la révélation est éventée puisque tout le monde en connait la fin. Le sujet du film n’est pas tant son but que les moyens qui furent mobilisés pour y parvenir. Ce mouvement de la quête qui passe par ce que les autres voudront bien donner trouve son essence dans les travellings constants que Pakula compose à l’intérieur des bureaux du Washington Post : un déplacement latéral, une trajectoire de l’information dans une fourmilière rythmée par le cliquetis permanent des machines à écrire.


Mouvement qu’on retrouvera dans l’image finale, le déplacement d’un téléscripteur qui permet de lire la suite de l’enquête et ses conséquences politique : un hommage rendu aux hommes qui dévoilèrent une histoire pour finir par écrire l’Histoire.

Créée

le 18 janv. 2017

Critique lue 2.1K fois

60 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2.1K fois

60

D'autres avis sur Les Hommes du président

Les Hommes du président
PhyleasFogg
8

La pêche au gros avec sa b... et son couteau

L'histoire de ce film pourrait être celle d'une putain de fable. Celle de deux pêcheurs à la ligne qui ferrent le Gros poisson. Comme le dit Gorge Profonde, "il faut y aller pas à pas, pour...

le 24 mai 2013

32 j'aime

2

Les Hommes du président
Artobal
9

Nix' movie

"Les hommes du président" fait partie de ces films nés sous la bonne étoile : ils rassemblent les bonnes personnes au bon moment et parviennent à transformer ce qui est au départ une suite d’heureux...

le 1 févr. 2013

30 j'aime

6

Les Hommes du président
VilCoyote
8

Au revoir, au revoir, Présidennnnt ♫

J'aime bien les films d'enquête. Et si comme moi vous ne connaissiez que les grandes lignes du Watergate, il y a ici le plaisir du puzzle à assembler, le plaisir aussi de galérer à emboîter certaines...

le 1 janv. 2014

28 j'aime

1

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

773 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

714 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

616 j'aime

53