Eh bien, voyons, par où commencer ? Je dois avouer que ce film est un peu déroutant. J'aurais bien envie de le dézinguer sans pitié, mais j'ai comme l'impression que ce serait tirer sur l'ambulance, alors... Parlons plutôt des bons côtés, oui, c'est un défi.

Dès les premières images, j'ai tout de suite accepté ce film pour ce qu'il était : une réinterprétation très libre de la mythologie, genre heroic fantasy stupide, comme ces films qui passent sur M6 pendant les vacances de Noël et qu'on regarde juste parce qu'il y a des passages secrets derrière les bibliothèques qui mènent à des grottes envahies de lierre dans lesquelles sommeillent depuis des siècles des grimoires magiques scellés par des cadenas de cristal - pour en savoir plus sur mon atroce mauvais goût en matière de passages secrets, lisez donc ma critique de "Sydney Fox l'aventurière". J'aime ces films parce qu'ils sont absolument niais et qu'ils sont plein d'effets spéciaux douteux et d'objets mystiques qui me font rêver. Mon postulat devant "Les Immortels" était donc celui-ci.

Et comme devant ces films, je me dis que je dois être un peu masochiste, car il arrive toujours un moment - même quand on est seul - où l'on est affreusement gêné. Tellement c'est mauvais, je veux dire. On a honte, au plus profond de soi, de regarder un truc aussi bête, certes, mais aussi pour les personnages qui ne peuvent pas s'empêcher de dire ou de faire des énormités plus grosses qu'eux. On a aussi honte pour le scénariste qui a osé mettre ces mots dans cet ordre et les faire prononcer, le plus sérieusement du monde, par un acteur qu'on suppose pourtant doté d'un libre arbitre qui aurait dû lui hurler un refus catégorique. Mais non, ils l'ont vraiment fait, je veux dire, et c'est limite si je ne suis pas parcouru d'un rire nerveux de désespoir profond.

Non parce que vous avez quand même vu le scénario de ce film ? On peut faire plein de choses à la mythologie, hein, ça ne me dérange pas. Enfin, pas trop. Mais là, c'est même pas qu'à la mythologie que ça fait mal, c'est à l'intelligence humaine dans son entièreté. Comment peut-on écrire une histoire aussi bête, aussi décousue, aussi incohérente et aussi absurde ? Je veux dire, même en classe de cinquième ça passerait pas. Ils n'ont pas de professeur de français avec une paire de lunettes en écaille pour leur dire que c'est bien mais qu'on pourrait quand même améliorer, continue comme ça, je te mets six sur vingt ? Et la scène finale, le discours final de Thésée (là je me retiens de pouffer), c'est vraiment sérieux ? C'est censé être beau ? Inspirant ? D'ailleurs, c'est qui Thésée, hum ? Qu'est-ce qu'il fait là ? D'où il vient ? Vous le connaissez-vous ? Je l'ai pas vu à la cantoche, hier, il devait pas être là encore. Ouais, c'est ça. Toujours à faire leur malin, les nouveaux, ouais.

Je me rends compte que j'avais dit que je ferai une critique des bons côtés et que je passe lamentablement à côté. Disons que j'ai bien aimé les décors. Enfin, certains décors. Les Titans dans leur boîte dorée à l'intérieur et noire à l'extérieur, comme les boîtes de Léonidas, mâchouillant leurs barres de fer, ça m'a bien plu. J'ai bien aimé le petit oasis avec la tour dans le désert de sel, aussi, même si ça aurait mieux convenu à un conte des "Mille et une nuits" qu'à ce film. À part ça, le village est hideux, l'Olympe est ridicule et le barrage est grotesque.

J'ai aussi bien aimé certains costumes, paradoxalement. En fait, je crois que c'est mon goût pour l'art pompier qui m'a fait apprécier certains passages de ce film. Vous savez, ces grands tableaux académiques qui encombrent les murs du musée d'Orsay et qui représentent des tas de trucs incompréhensibles, des batailles absurdes dans des armures dorées avec des héros imberbes... Voilà, c'est exactement ça. En fait, l'esthétique de ce film n'est pas du tout novatrice, elle est même fondamentalement réactionnaire. C'est un retour au symbolisme, mâtiné d'art déco, avec un soupçon de géométries préraphaélites. Je veux dire, au Bauhaus, dans les années 20, on faisait des trucs plus modernes, hein.

Après, c'est vrai qu'il doit y avoir toute une cargaison de bidules technologiques là-dessous, des fonds verts à tire larigot, des modèles 3D de folie, des capteurs, des filtres, des ordinateurs qui tournent toute la nuit pour faire un rendu... La belle affaire, hein. Tout ça pour un mauvais film. Moins mauvais que "300", quand même, reconnaissons-le, très comparable au "Choc des Titans", un tout petit peu en-dessous de "Troie" mais à des années-lumière du plus mauvais épisode de "Indiana Jones" et de "Benjamin Gates". Qui ne sont pourtant pas des bons films, entendons-nous. Je vous laisse imaginer où se situe "Mort à Venise" dans tout ça.

Oh, et les bas-reliefs à la fin. Non mais ces bas-reliefs, quoi.
Anonymus
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le 12 mars 2012

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Anonymus

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