14 ans après le premier film qui reste encore aujourd'hui l'une des plus belles transpositions du l'esthétique comic book sur grand écran et un genre qui est devenue la chimère d'Hollywood aujourd'hui, on était en droit de se demander ce qu'il ferait le Brad.
D'un côté, le film est désarmant par la simplicité de la réponse, puisqu'il reprend pile là où s'arrêtait le précédent et en est la continuité directe, la famille n'ayant pas bougé d'un iota depuis le moment où on les avait quitté et le tout se déroulant avec une fluidité et un naturel sans faille, comme si on avait juste raté la deuxième partie en 2004.
D'un autre, ça fait tout bizarre de devoir digérer un tel film en sortant tant ça dégueule d'idées.
On le sait, Brad Bird a toujours hautement considéré le public, y compris enfantin, mais ça étonne encore de voir un film familial s'adresser aussi directement à son audience sans prendre de gants.
Les différentes scènes de dialogues en Elastigirl et la sœur du big boss sont d'une violence assez folle sur le constat qu'elles tirent de l'industrie, Bird nous intimant une fois encore après Tomorrowland de ne pas céder à la facilité et d'être plus exigeant avec ce que nous regardons et consommons. Le méchant est à ce niveau là sans équivoque, reprochant carrément aux addicts des écrans de vivre par procuration et d'avoir abandonné toute sensation réelle, ce qui fait forcément mouche quand t'es cinéphile. Bird ne diabolise rien, même pas le genre super héroïque en soit qu'il traite encore une fois avec une déférence totale, mais exige la qualité devant toute autre considération, et vu le film qu'il nous offre, comment pourrait-on le contredire ?
Outre Ayn Rand qui rôde forcément avec des personnages extraordinaires que la société bride pour rester dans le rang, c'est assez fou de voir à quel point le film tient un discours assez fort sur la place de la femme dans le monde d'aujourd'hui, notamment dans la cellule familiale où même Mr. Indestructible est loin d'être infaillible et se place instinctivement plus en avant que son épouse. Le film montre que tous les personnages sont loin d'être parfaits, notamment certains qui peinent à utiliser précisément leurs pouvoirs durant certaines scènes d'action, et ils possèdent chacun leurs angoisses et leurs défauts, ce qui les rend d'autant plus humains et attachants. C'est même gênant de voir combien ils sont pour la plupart tous plus expressifs et vivants que ce que le genre nous propose depuis 10 ans, tout comme chaque personnage féminin est traité de façon iconique et féministe sans en faire des caisses façon Wonder Woman.
Et sur le plan formel, le constat est le même tant une nouvelle fois, Bird a compris, digéré et recréé le feeling BD.
C'est simple : il n'y a pas un seul plan du film qui ne soit pas limite un artwork à lui seul. Allez, excepté peut être le personnage du présentateur un peu foiré, tout est à se faire péter la rétine tant le travail sur le cadrage, la lumière et le jeu avec les codes graphiques de genres différents cités est flamboyant. Les scènes d'actions sont à ce niveau là d'un dynamisme délirant, et c'est bien sur la tenue visuelle globale qu'on peut mesurer l'évolution depuis le premier film, un peu fade en comparaison sur les textures et la richesse des variations de couleurs.
Les morceaux de bravoure s'enchaînent, avec des personnages qui tentent à chaque fois de sauver les gens pour bien replacer l'héroïsme dans sa forme la plus pure au centre de l'action, pour ainsi maximiser les enjeux et sublimer des personnages qui certes ne se battent pas contre des menaces gargantuesques venues d'ailleurs, mais qui pourtant semblent faire face à des enjeux amplement plus grands tant l'aspect plus concret de l'action, qui garde aussi un caractère film d'espionnage, nous identifie immédiatement à celle-ci. L'animation permet de toute façon une suspension d'incrédulité plus forte puisqu'on a pas le risque de se taper des fonds verts dégueux, et qu'il peut arriver tout aux héros tout comme à une caméra aussi flexible qu'Elastigirl.
Même ma copine par exemple, qui n'en a plus rien à cirer de la surenchère pyrotechnique et logistique chez Marvel, s'est éclatée de son propre aveu ici.
Il faut dire aussi que le film sert une énorme dose de fun, Bird donnant sans détour dans le cartoon à la Tex Avery au travers de plusieurs scènes, faisant de Jack-Jack une machine à gags assez irrésistible, notamment quand il croise un raton laveur dont les péripéties sont aussi méchantes que savoureuses.
A part une intrigue par moment prévisible tant son schéma n'est pas si éloignée du précédent, il y a sûrement encore beaucoup à écrire sur les Indestructibles 2, notamment sa manière de vilipender les médias, son inventivité constamment renouvelée dans l'utilisation des pouvoirs, dans les chorégraphies et dans tout ce qui touche à sa direction artistique globalement, ou encore dans la musique de Giacchino qui lui aussi semble s'éclater à jongler d'un style à l'autre pour être en accord avec l'effervescence proposée ici.
Toujours est-il que voilà un feu d'artifice resplendissant qui non seulement offre le meilleur de ce que son public vient y chercher, tout en lui intimant directement de ne plus se contenter de la médiocrité ambiante et d'aspirer à ce qui se fait de mieux avec une énergie telle que son constat désenchanté se transforme en morale optimiste.
On parle souvent de la mort des films de super héros et de l'épuisement global du genre.
Brad Bird offre à nouveau l'exception qui confirme la règle.