Alors que l’image des super-héros est encore en train de se dégrader, Winston Deavor, un admirateur de longue date, décide de les faire revenir sur le devant de la scène, grâce à la famille Indestructible, et plus précisément, de la mère, Elastigirl. Pendant qu’elle lutte contre le mal, voilà M. Indestructible contraint de jouer le père au foyer, de chercher à conserver une unité familiale qui part en morceaux, et de faire face aux pouvoirs incontrôlables que se découvre Jack-Jack...
On ne cessera jamais de le dire, les studios Pixar ont une caractéristique franchement étonnante et peut-être même unique en son genre : ils sont incapables de créer un mauvais film. Même quand ils font une suite, celle-ci se montre au moins digne, sinon meilleure que l’original (la saga Toy Story en est une preuve éclatante). Avec Les Indestructibles 2, Brad Bird revient donc à la fois au scénario et à la réalisation, et s’il se trouve dans le premier cas de figure mentionné ci-dessus, ne dépassant certainement pas le premier volet, il prouve en tous cas qu’il n’a rien perdu de son savoir-faire. Si ses deux films ont 14 ans d’écart, leur parenté est telle qu’on jurerait que le temps s’est figé durant ce long laps de temps.
Faisant le choix (le seul judicieux) de reprendre son scénario exactement là où il l’avait laissé dans le premier volet, Bird replonge avec un plaisir visible dans ce délire nostalgique, parfait hommage aux feuilletons télévisés des années 1960. On retrouve donc tout ce qui faisait l’essence du premier film : scènes d’actions échevelées d’un dynamisme à faire passer Tom Cruise pour un vieillard en déambulateur, des personnages et des dialogues savoureusement écrits, un rythme incessant au son de la bonne vieille BO de l’ami Michael Giacchino… L’identité est rigoureusement la même, et c’est avec le même plaisir que Bird que l’on s’immerge à nouveau dans cette atmosphère si géniale et intemporelle qui caractérisait Les Indestructibles premier du nom.
Il faut toutefois reconnaître qu’un petit quelque chose a changé, et malgré des graphismes de bien meilleure qualité qui conservent le côté rétro du premier tout en accentuant le réalisme des textures et des décors, il manque de quoi égaler le modèle. On pourra l’attribuer à toute une série de facteurs qui, sans être majeurs, empêchent cette suite de prétendre au chef-d’œuvre.
Du côté de l’humour, notamment, on le voit parfois se faire remplacer par l’hystérie d’un Coco, par exemple, qui fait sourire mais ne va rarement plus loin. On pourra également regretter une flopée de personnages secondaires peu ou pas étoffés, qui peinent à marquer véritablement l’esprit, contrairement à la plupart de ceux du premier film.
Cela n’empêche en rien le message familial de se diffuser encore une fois, et même s’il se fera légèrement moins discret, il touche encore une fois jute dans sa présentation d’une famille déchirée par le renversement de ses valeurs, la mère allant travailler, laissant le père s’occuper des enfants à la maison. Un arc narratif malin, qui permet à Bird de nous offrir parmi les meilleures scènes du film, tant la dichotomie entre le père au foyer et les attentes des enfants révèlent en Bird un observateur étonnant de la société, tout en réussissant à valoriser chacun des membres de la famille Parr, les deux grandes stars du film étant Elastigirl et Jack-Jack, ce dernier récupérant sans conteste toutes les meilleures scènes du film.
S’amusant de la jalousie de Bob Parr envers sa femme plus que la condamnant, le scénario n’oublie pas, au passage, d’épingler joyeusement le féminisme ambiant de la société contemporaine en montrant avec pertinence et sans jamais appuyer le trait combien ce féminisme de façade n’est en réalité qu’un instrument marketing pour mieux capter l’attention du public…
C’est d’ailleurs toute la société de consommation qui est visée, dans quelques dialogues intelligents qui ne peuvent guère que viser l’industrie du cinéma, faisant du public une entité sans âme et sans discernement, littéralement hypnotisé par son écran préférant la médiocrité bien vendue à la recherche ardente de la qualité. Difficile de ne pas voir là un petit tacle de Pixar à ses concurrents…
Ainsi, même sans réussir à se faire l’égal de son initiateur, Les Indestructibles 2 n’en a pas moins son mot à dire, et malgré la perte de l’effet de surprise qui rendait le premier volet si exceptionnel, il contient bien son lot de scènes cultes, de rire et de sourires qui rappellent que, même en se reposant sur ses acquis, Pixar n’a rien perdu de sa superbe.