Ça commence par un long plan fixe, comme j'aime. Deux secouristes et leurs chiens découvrent une jeune fille morte de froid. Les Indiens sont encore loin va nous narrer la semaine qui a abouti à ce drame, jour par jour : lundi, mardi, mercredi...


Quelques belles scènes, comme la partie de ballon prisonnier, où Patricia Moraz se contente de filmer - fort bien - les jeunes filles animées de l'énergie du jeu. Il n'y a probablement que dans cette scène que Jenny, l'héroïne, incarnée par une très jeune Isabelle Huppert à l'improbable col "pelle à tarte", fait pleinement partie du monde qui l'entoure. Le reste du temps, elle se tient en retrait, parle peu, écoute beaucoup. Personne ne cherche vraiment à la comprendre, pas même son amie Lise qui ne parle que d'elle. Aucune place pour elle dans cette Lausanne froide, dans ce monde en général, comme sait si bien le dire Thomas Mann, qu'on étudie en cours d'allemand.


Alors, restent les Indiens. Les Indiens, c'est cet exotisme dans lequel Jenny trouve refuge. On les découvre dans de longs plans de photos tirées de Tristes Tropiques de Claude Levi-Strauss. Mais ils sont trop loin : reste à marcher dans la neige pour aller à leur rencontre, quitte à ne trouver que la mort. Très belle scène où on la voit s'éloigner, petit point noir dans l'immensité blanche, alors que les voitures continuent de passer imperturbables sur cette route très empruntée.


Quelques autres belles choses, comme cette scène où Jenny parle avec sa grand-tante, les deux étant hors champ. On ne voit qu'un pan de mur de l'appartement. A ce type de séquence, on sent que Patricia Moraz a de réelles aptitudes d'auteur.


Hélas, le film est plombé par de très, très longues scènes dialoguées, la première dans le café où l'on nous raconte soudain l'histoire de la soeur de Lise et de son amoureux, Sandro. Il semble qu'il s'agisse d'évoquer les désillusions d'une jeunesse post soixante-huitarde ? Peu convaincant. Une autre dans le restaurant du lycée. Une autre chez Lise, qui parle d'avorter et trouve une lettre de sa soeur. Une autre, interminable, dans la salle d'attente d'une gare. Une autre encore dans un café, toujours avec Guillaume et Mathias, où l'on parle soudain d'un Charles à l'étrange histoire - j'avoue avoir décroché à ce moment du film. Pour ne rien arranger, les dialogues sonnent souvent faux, ainsi que le jeu des acteurs, au premier rang desquels Christine Pascal. Faux, ou typiques de l'époque ? Il semble que dans ces années-là on employait un langage plus littéraire qu'aujourd'hui, et un ton un peu plus solennel. Voilà qui n'aide pas, en tout cas, à adhérer aux scènes dialoguées.


Quelques belles scènes donc, quelques fulgurances au milieu d'un film qui ne parvient guère, le plus souvent, à captiver.

Jduvi
6
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le 8 mai 2020

Critique lue 283 fois

Jduvi

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