"Les Lois de l'Hospitalité" est le second long-métrage de Keaton, mais est surtout un film à part dans son œuvre, probablement aussi l'un de ses films les moins immédiatement "jouissifs", l'un de ceux où l'on rira le moins, ou en tout cas, celui où Keaton essaie d'abandonner le plus clairement les règles du "splastick" au profit d'une véritable histoire, plus dramatique qu'autre chose, et d'une mise en scène plus ample, plus ambitieuse.
"'Les Lois de l'Hospitalité", dont le scénario est construit à partir de la très célèbre histoire de vendetta, de haine atavique entre deux familles, rebaptisées ici les McKay et les Canfield, est donc un "vrai film", si l'on veut, parsemé de quelques gags - certains excellents, Keaton n'ayant évidemment pas perdu la main -, et qui nous fait beaucoup patienter avant d'en arriver aux classiques scènes où Keaton se met physiquement en danger, ici dans un décor grandiose de montagnes et de rivière déchaînée.
Même si ce mélange de genre, ainsi que la construction très progressive du film peuvent logiquement décevoir par rapport à des chefs d'œuvre plus "immédiats" de Keaton, "Les Lois de l'Hospitalité" réjouira ceux qui ont la patience d'attendre, avec par exemple cette scène où notre héros tente par tous les moyens de rester sous la protection de ces fameuses lois, et, bien entendu, les formidables scènes spectaculaires de la dernière partie. Mais c'est aussi parce qu'il s'inscrit clairement dans la problématique "keatonienne" classique de la fragilité de la "sécurité" humaine au milieu d'un monde fondamentalement hostile, de cet équilibre perpétuellement menacé qu'est le rapport de Keaton avec les objets, que "Les Lois de l'Hospitalité" est un grand film.
[Critique écrite en 2021, à partir de notes prises en 1988]